A la recherche de sources iconographiques pour documenter mes métiers de Fontenoy, je me suis replongée avec bonheur dans L'art du brodeur de Charles Germain de Saint-Aubin, ci-devant dessinateur du roy auto-proclamé. J'en ai un fac-simile, publié sous l'égide du Los Angeles County Museum of Art, avec annotations et illustrations sorties de ses collections ; c'était  en  1983, à une époque où internet ne nous déversait pas encore le miel de ses ressources diverses et variées.

Art of the embroiderer

Or je viens de m'apercevoir que Gallica l'avait mis en ligne depuis trois ans déjà ! Désormais, tout une chacune peut y découvrir ces détails rigoureusement indispensables qui font la poésie de la broderie :-) Vous apprendrez ainsi que :

  • ordonner consiste à repasser sur le dessin poncé avec une plume de dinde ou de corbeau, après qu'on a soufflé légèrement sur la poudre pour en chasser le superflu. Ne vous inquiétez pas, un petit coup de mie de pain bien placé fera le reste ;

  • trelisser, c'est border d'un point noué les parties de l'étoffe sans lisière, pour ne pas faire de dégâts lorsqu'on la tend sur le métier ;

  • on brode en ronde-bosse, en bas-relief, en or nué, en passé, en passe-épargné, en guipure, en Broderie de rapport, en couchure, en gaufrure, en satiné, en paillettes, en taillure, en jais, en soie, en chenille, en laine, en tapisserie, en chaînette, en Broderie de Marseille, en noeuds et en blanc... ouf ! Et si vous voulez savoir à quoi correspondent ces différentes manières, il faudra lire Monsieur de Saint-Aubin ;

Pasté bouriquet et tatignon

  • dans la broderie de rapport, la pratique est la chaînette d'or avec laquelle on profile les contours extérieurs du dessin ;

  • on guipe en frisure et bouillon à points enfilés... ou bien en traits et clinquants, c'est vous qui voyez ;

  • le maître doit notamment distribuer à ses ouvrières le pâté, le tatignon et le bouriquet ; moi ça m'en bouche un coin, pas vous ?

... et tant d'autres choses si fascinantes qu'on se demande comment on a pu broder en les ignorant.

Après cette avalanche de nouveautés, sans doute serez-vous moins surprises de constater que "les hommes sont payés davantage", sans toutefois qu'on en démêle exactement les raisons :-(

Les hommes sont payés davantage

Ceci dit, les mystères surgissent aussi vite que les questions les plus saugrenues trouvent leur réponse :  quelle étoffe est-ce donc que ce marly ? Et la milanese, quel rôle joue-t-elle, exactement ? Surtout, où trouver de cet or nué indispensable à la broderie du passé en barbiches ?

Bref Monsieur de Saint-Aubin me colle parfois la migraine. Mais Gallica m'a vite réconciliée avec lui en partageant cette semaine ses Bouquets champêtres , numérisés sur la bibliothèque en ligne de l'INHA. Quoi qu'il les ait dédiés aux grandes dames que nous ne serons probablement jamais, rien ne nous empêche d'en profiter, maintenant que tout est à portée de clic. Charles Germain, on te l'aurait dit...

Imortelle et barbeauxImmortelle et barbeaux

Pois lapinsPois lapins

Sain-Foin d'EspagneSain-Foin d'Espagne

C'est toujours de la broderie, quoi qu'on en pense. En tout cas, une belle source d'inspiration pour de futurs ouvrages...