{CB8} Coton à broder À la Croix
Après avoir parlé point de croix dimanche dernier, nous allons donc passer du côté noble de l'aiguille avec la broderie. D'accord, je continue dans la provocation... mais à peine si on se replace deux siècles en arrière, où le point de croix est voué à la marque du linge. Quand on entend le cantonner à l'utilitaire, ce sont les petites brodeuses elles-mêmes qui le sortiront de cet étroit carcan en transformant leurs marquettes d'apprentissage en marquoirs de plus en plus sophistiqués, et en faisant de certains d'eux de véritables chefs-d'œuvre.
Mais du côté des manufacturiers, on ne mélange pas les torchons avec les serviettes et la frontière reste tracée une fois pour toutes entre marque et broderie ; on en retrouve la parfaite illustration dans la segmentation des catalogues. Chez Cartier-Bresson, nous voici donc aujourd'hui avec le fil roi, le coton à broder, qui ne pouvait être associé qu'à la marque reine, CB À la Croix.
C'est la marque emblématique de Claude Bresson qui la dépose dès qu'il prend son envol pour fonder sa propre affaire, en 1825. Son père est mort depuis dix ans, mais les traditions de l'Auvergne fondatrice imprègnent durablement la famille et, parmi elles, la croix qui marque tant de ponts, d'entrées de villages, de carrefours et de chemins creux. Puisqu'elle repousse l'esprit malin, ça ne mange pas de pain de se mettre sous sa protection.
Cette croix intercalée entre les initiales de son prénom et de son nom, il va donc au fil du temps l'associer à nombre des articles de sa production. CB À la Croix devient une marque générique de la maison, à tel point qu'on finit par se demander si Claude Bresson ne s'est pas opportunément choisi un gendre Cartier pour n'avoir pas à la modifier !
Nous l'avons déjà trouvée avec le Brillanté d'Alger, avec le fil d'Irlande pour la dentelle au crochet et aussi, la semaine dernière, avec le coton à marquer. Il serait fastidieux de dérouler la litanie des articles associés à cette appellation tant les catalogues de la maison en sont remplis : il y en a des dizaines, autant dans les fils "tout-venant" que dans les cotons mercerisés.
CB À la Croix au catalogue de 1908
Et donc, bien sûr, elle signe le coton à broder, article incontournable pour toute manufacture de fil qui se respecte. C'est le fil utilisé notamment en broderie blanche et sa technique la plus répandue, le plumetis.
Nous en avons déjà parlé, vous rappelez-vous ? C'était avec un étonnant échantillon distribué dans les gares et qui contenait ce qu'il fallait pour participer au concours de broderie de 1902.
Mais même en se limitant à cette catégorie, la liste reste longue : onze cotons à broder CB À la Croix au catalogue de 1908 et encore neuf à celui de 1926, qui a pourtant restructuré la gamme ! Je me bornerai donc à évoquer les quatre articles pour lesquels j'ai des exemples à vous proposer, ce qui permettra déjà un petit tour d'horizon ;-)
Le coton à broder n°208 figure déjà au catalogue de 1908. L'article est attrayant avec sa boîte colorée aux rinceaux caractéristiques de l'Art nouveau et ses fins écheveaux bien torsadés. Comme tous les autres, c'est un brillanté, le terme qui désigne le mercerisé chez Cartier-Bresson.
Selon le titrage et la teinte, ce coton-là se présente en écheveaux de 23 à 50 mètres et il a la particularité, outre les classiques blanc et rouge bon teint, d'être proposé dans tout une gamme de couleurs appuyées sur un nuancier spécial qu'il partage avec le mouliné doublé.
Les articles 227 et 228 sont deux cotons à broder jumeaux dont la boîte, identique, se distingue simplement par la couleur de son graphisme. La qualité du fil est toujours la même mais le n°227, qui se présente en habit rouge, offre plus de variété pour les couleurs et aussi un titrage plus fin.
Pour le n°228, tout de bleu vêtu, la sobriété est de mise : il faudra se contenter des blancs basiques, neige ou azuré. C'est typiquement le fil des jolis monogrammes brodés sur le linge de maison.
Quant au coton à broder n°210, il se présente sous la forme d'une spectaculaire nappe de fil de 250 grammes qui resserre trente-cinq longs écheveaux, ici en n°18. Voilà une présentation en gros volume qui n'existe qu'en blanc, en écru et en rouge grand teint mais il y a également du choix dans les titrages qui peuvent varier du 8 au 60.
Cette qualité de coton à broder brillanté À la Croix, quelle que soit sa présentation, est le pendant du Broder Spécial chez DMC. Quand nous admirons les spectaculaires chiffres ornant les vieux draps de lin, il y a fort à parier qu'ils aient été brodés soit avec l'un, soit avec l'autre...
Je termine par un aparté qui n'a rien à voir avec le feuilleton que je déroule tout au long de cet été : vous savez que Canalblog est brouillé avec certaines messageries -et particulièrement La Poste- puisque vous êtes nombreuses à ne plus recevoir la newsletter. De mon côté je ne recevais plus les commentaires, ce qui ne me gênait pas tellement dans la mesure où j'ai d'autres moyens de les consulter.
Sauf que... il m'a fallu du temps mais j'ai réalisé que le blocage concernait également les messages personnels que vous m'envoyez parfois via "Contacter l'auteur". Je viens de remédier au problème en changeant le compte de messagerie du blog mais en attendant, ne vous étonnez pas de mon silence si vous avez essayé de me contacter ces derniers mois, en voilà la raison.