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Ouvrages de Dames
21 février 2021

9 749 kilomètres

9 749 kilomètres, c'est la distance qui sépare Yokohama de Dijon. A vol d'oiseau. Imaginez donc tout ce qu'il faut rajouter avec les moyens du XIXe siècle où les liaisons se faisaient par voie de mer... Voilà pourquoi je fus interloquée de trouver un rapprochement entre les deux villes en 1868, quand au détour d'un dossier que je dépouillais aux Archives départementales de la Côte-d'Or, je tombai sur ça :

Feuille empreintes

Tout un paquet de feuilles revêtues de tampons, apposés à titre de spécimens par la légation de France au Japon...

Puisque j'étais dans la soie dimanche dernier, j'y reste mais en passant du côté des producteurs avec cette bizarrerie trouvée dans les très sérieuses archives du Secrétariat général de la Préfecture à Dijon. Ça fait d'ailleurs partie d'un dossier (encore un !) sur lequel je veux recommencer à plancher : la relance de la sériciculture par chez nous.

Mais au milieu du XIXe siècle, elle est bien en péril car la pébrine vient d'apparaître en Europe. C'est une maladie qui cause des ravages dans les éducations de vers à soie ; elle tâche de noir le corps des chenilles qui arrêtent de se nourrir et dépérissent. Quant à baver leur fil de soie pour former le cocon qui protègera leur mue, il ne faut même plus y penser ! Cette maladie fait le désespoir des paysans qui voient leur production réduite à néant ; ils perdent ainsi un revenu souvent annexe mais qui participait grandement à les mettre à l'aise.

Louis Pasteur se met sur le coup et finira par trouver une solution. Mais en attendant, l'enjeu est de se fournir en graines de vers à soie exemptes de cette maudite pébrine pour tenter de remonter des éducations où le mal ne sévit pas.

On est en 1859 et de l'autre côté du globe, le bourg de Yokohama est le premier port japonais à s'ouvrir aux échanges avec l'Occident. Les commerçants étrangers, longtemps tenus à l'écart par la politique isolationniste du Japon, s'y précipitent et la ville devient rapidement une plaque tournante pour le commerce de la soie asiatique.

Yokohama 1860Yokohama en 1860, gravure par Gountei Sadahide - The Met

Dans ce commerce du ver à soie, tout repose sur la confiance et il faut s'en rapporter entièrement au vendeur. La maladie ne peut pas s'observer sur les graines : quand ses premiers signes apparaitront sur les chenilles, il sera déjà trop tard et la saison sera fichue. La première étape du processus, qui consiste à se fournir en graines, est donc capitale.

Or les Japonais ont une réputation de sérieux reconnue dans ce domaine. A l'initiative des graineurs français, une expédition se formera même dans l'intérieur de l'île, en juin 1869, pour s'en assurer directement dans les éducations de vers à soie.

Encore faut-il que la production locale ne soit pas contrefaite. Hélas, on soupçonne quelques producteurs chinois de faire passer leurs graines par le Japon pour leur donner un air de sérieux qu'elles n'auraient pas en réalité.

Voilà l'explication de cette empreinte apposée sur les cartons de graines japonaises par la légation française et qui garantit leur provenance.

Lettre au Préfet

Pour assurer à cette mesure la publicité qu'elle méritait, tous les préfets des départements séricicoles de France reçurent alors des spécimens de l'empreinte, à charge pour eux de les redistribuer dans les communes concernées pour la parfaite information des éleveurs.

Mais en Côte-d'Or, le bureau chargé de l'agriculture n'eut pas grand travail à faire. Car à l'époque il n'y avait déjà guère plus que les dames Ursulines de Montigny-sur-Vingeanne qui persistaient encore dans cette industrie... Voilà pourquoi ces specimens ont été si peu diffusés et sont finalement restés enfouis dans un dossier poussiéreux voué aux Archives, attendant presque deux siècles que je vienne les ramener à la lumière.

Empreinte

Nous sommes toujours au mois de février, toujours dans le défi d'écriture #lemoisGeneatech qui nous proposait cette semaine de plancher sur une découverte que nous n'aurions pas pu faire sans nous rendre en salle de lecture. J'ai choisi de feuilletonner en 5 épisodes ma première incursion sérieuse dans le monde de l'Ancien régime et de la noblesse. Avec le démontage d'un jugement douteux, l'aide inattendue d'une dispense de mariage et la rencontre d'un lointain cousin fort attachant... Que d'aventures ;-)

Augustin

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Commentaires
P
Comme c'est interessant ! J'ai aussi apprécié la belle celligraphie du temps jadis !
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L
L’on vous suivrait au bout du monde dans ces passionnantes aventures!! Merci pour ces merveilleux moments de partage....💝🙏
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M
J'étais partie pour un très long voyage, trop vite écourté par le point final du jour. Vivement la suite...<br /> <br /> Mes grands-mères cévenoles, nées en 1893 et 1898 me parlaient de l'élevage des vers et du labeur épouvantable dans les filatures, des femmes qui mettaient à naître des œufs dans leur corsage et les y maintenaient au chaud. L'une n'a jamais pu le faire, elle frémissait d'horreur rien que d'y penser et l'autre ne l'avait fait qu'une fois, à 9 ans elle travaillait au dévidage des cocons dans la filature du village. Obtenir le certificat d'études à 9 ans avec le titre de major du département n'était pas une garantie pour une fille.<br /> <br /> Des "graines à élever" au lieu de "œufs à couver" aurait-il pu être un artifice pour accepter cette tâche peu ragoûtante ? C'est ainsi que je l'avais traduit dans mon enfance, faute de réponse à mes questions.<br /> <br /> Vais-je réviser mon interprétation ?
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M
Encore un reportage très passionnant qui repose sur de sérieuses recherche. Merci
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M
Bonsoir Sylvaine, <br /> <br /> Merci beaucoup pour ce billet passionnant encore ! Et pour ce voyage virtuel dans le temps et dans l'espace ! J'ai une amie japonaise qui vit à Yokohama. <br /> <br /> Moi aussi, j'ai hâte de faire la connaissance de ton cousin attachant ! <br /> <br /> Bonne soirée !
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V
on sera moins bête ce soir... Nous avions visité en 2014 le musée de la soie à St Hyppolyte du Gard (30). Je t'ai envoyé un mail à ce sujet<br /> <br /> bises<br /> <br /> violine
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G
Bonjour Sylvaine<br /> <br /> Merci de cet article. C'est passionnant de découvrir l'origine de la soie . Bon , je connais un peu l'histoire, mais avec toi, je suis sure de faire de nouvelles découvertes. Tours à été capitale de la soie, il existe toujours un marché de la soie qui travaille pour les châteaux et autres demeures de personnes aisées (vu le prix au mètre). Je pense que tu nous feras un autre article sur la soie dans quelques temps. Bon Dimanche ensoleillé. Gros bisous.
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E
Pourquoi des graines? ce sont des oeufs, n'est-ce pas? puisque cela va donner des petits vers?? Bon dimanche, profitez du soleil!
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M
Encore un article passionnant !<br /> <br /> Merci ;)<br /> <br /> Beau dimanche ensoleillé, bisous
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F
Merci de ce nouvel article, toujours passionnant de vous lire.<br /> <br /> Et ces pauvres chinois déjà sur la sellette pour d’éventuelles contrefaçons.......!<br /> <br /> Très bon dimanche
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M
Merci pour le partage, merci pour la nouvelle page d’Histoire, c’est passionnant....la suite avec impatience
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A
Bonjour,<br /> <br /> Très intéressant, on apprend beaucoup de choses, et souvent des surprises au bout de la lecture<br /> <br /> Bonne journée
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M
Merci Sylvaine pour ce réveil oriental ! Très intéressant article, comme toujours ! A quand le livre qui rassemblera tous ces moments où nous apprenons avec délectation des informations que nous n'aurions pas imaginées, découvrons des personnages et des situations... La vie, en quelque sorte.
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N
Merci pour cet article passionnant et le partage de tes découvertes... qui prouvent notamment que déjà à l'époque, les Chinois savaient y faire en contrefaçon... <br /> <br /> Bon dimanche, bises
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A
Des vers à soie, j' ai aussi fait l' expérience de cet élevage ,qui m avait bien plus passionnée que le calcul , à l' école primaire . Grace à Mme Dellac, l' institutrice , et surtout aux muriers plantés dans le jardin public de mon village ! Bon dimanche
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D
Merci beaucoup pour ces formidables recherches que tu nous partages. Bon week end<br /> <br /> Dany
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P
Passionnant ! Tu as l'art de "laisser parler les Vieux Papiers" de la Côte d'Or (tu donnes envie d'ajouter un couplet à la chanson de Gainsbourg). <br /> <br /> Sacrés Chinois toujours à l'affût d'une affaire commerciale "un peu améliorée"...<br /> <br /> Dans les années 50, ma soeur et moi élevions des vers à soie dans une boite à chaussures percée de trous. Ma grand-mère avait tout jeté : "ARGH, DES VERS" !<br /> <br /> Bon, j'ai hâte de faire la connaissance du "lointain cousin fort attachant", tu as éveillé notre curiosité...<br /> <br /> Bon dimanche à toutes, profitons du beau temps !
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