Mignonnerie en devenir
C'est à nouveau sur une petite mignonnerie ancienne que notre choix s'est porté. Chinée pour trois fois rien par Michèle en raison de son piètre état, elle reste malgré tout parfaite dans son rôle de modèle. Il a juste fallu repousser la session de cartonnage de deux mois à cause du troisième confinement ; c'est surprenant de voir à quelle rapidité nous nous sommes accoutumées à vivre en gérant l'imprévu sanitaire et les contretemps qui l'accompagnent.
Ce nécessaire, qui s'enroule sur lui-même en forme de boîte, est emblématique des petits riens de papier qu'on trouvait dans les boîtes à couture à la fin du XIXème siècle. Conçus pour un usage éphémère, ce sont des cartonnages en série de modeste qualité dont la fragilité a rarement résisté aux outrages du temps, pour peu qu'il aient été vraiment utilisés à l'époque et conservés ensuite dans des conditions laissant à désirer.
Nous nous sommes donc laissées tenter par cet ouvrage d'un gabarit réduit -il est large de onze centimètres- mais qui comporte tout un lot de petites difficultés demandant à être sérieusement étudiées. Avantages : pas de gros cartons à manipuler ni de surfaces laborieuses à encoller. Inconvénient : il faut travailler avec une précision plus fine que le millimètre.
De mon côté, je suis partie dans l'idée que ce serait un prototype car j'ai tout de suite imaginé inscrire tout au long de la version définitive mes treize générations de femmes ; elles m'emmènent jusqu'en 1633 et mon tout premier acte connu, dressé sous le règne de Louis XIII. Je pourrai ainsi évaluer si mon idée est réalisable et si oui, caler la broderie avec précision.
Mais de manière inattendue, mon premier jet sera tout de même plus sophistiqué que prévu. Car en cherchant parmi les tissus susceptibles de convenir à notre projet, j'ai exhumé un morceau d'imprimé fleuri que j'avais complètement oublié, déjà rehaussé de roses au point de poste, de lignes de point de nœud et de bouclettes pour marquer les feuilles.
A quel ouvrage abandonné en cours de route avais-je destiné ce travail préparatoire ? Je suis incapable de me le rappeler. Mais il s'adapte presque miraculeusement à notre projet du jour et se voit donc offrir une inespérée deuxième chance. Sans que nous ne nous soyons concertées, Michèle et moi avons opté pour une fine rayure fleurie que ce cartonnage tout en longueur appelle presque automatiquement ; nous devrions donc finir avec des nécessaires jumeaux.
Les tissus sont choisis, les mesures sont prises après moult palabres et négociations pour rapprocher nos avis parfois divergents, les cartons sont coupés... la suite au prochain épisode !