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Ouvrages de Dames
13 mars 2022

Le siècle des couturières

La télévision nous a offert un moment unique lundi soir avec Le siècle des couturières. Je l'ai partagé sur Facebook mais comme je ne suis pas sure que tout le monde l'ait vu, j'en remets une couche ici : le documentaire est visible en replay jusqu'au 6 mai prochain. Surtout ne le manquez pas !

Sur un siècle, le film raconte à plusieurs voix comment la révolution industrielle a bouleversé la vie des femmes, en leur permettant d'accéder au travail salarié et en centralisant la production dans les usines. Elle a fait naître chez elles l'espoir d'une vie meilleure, bien vite rabattu : la misère paysanne était rude, la misère ouvrière sera désespérante.

Usine

Grâce aux énormes métiers à tisser mécaniques importés d'Angleterre ou à la mule-Jenny pour le filage, une seule ouvrière est aussi productive que des dizaines d'hommes auparavant… tout en étant payée deux fois moins.

Avec les conditions de travail inhumaines créées par la nouvelle organisation de la production, les ouvriers sont pressurés par le patronat. Les ouvrières, elles, sont pressurées par le patronat, oubliées par les syndicats, accusées par les ouvriers de tirer les salaires vers le bas, invisibilisées par la société et harcelées par qui le veut.

Usines pensionnat

Le film n'oublie pas d'évoquer les usines-pensionnats, ce système perverti issu du paternalisme industriel allié à l'église catholique. Il s'appuie justement sur l'exemple des soieries Bonnet, à Jujurieux, où travaillait le père d'une petite Lucie dont j'ai l'intention de vous reparler en vous montrant sa marquette.

La main-d'œuvre féminine finit par représenter les deux tiers de l'industrie du filage et du tissage. Mais son salaire ne fait que baisser, gonflant d'autant les profits des industriels qui ont bâti des fortunes sur son dos.

Lainière de Roubaix

Le temps des luttes ne tarde pas, celle victorieuse des midinettes vite rejointes par les ouvrières d'usines en 1917 puis les avancées du Front Populaire et les premiers congés payés. Pourtant le début de l'émancipation des femmes, en usine comme ailleurs, et leur prise en compte par les syndicats, ne sera vraiment au rendez-vous que dans la foulée de 1968.

Mais après les soubresauts des crises successives, le premier secteur sacrifié est celui du textile et toutes les ouvrières qui ont fait sa renommée internationale.  Le témoignage de Marie-Colette Patin, ancienne bobineuse à La Lainière de Roubaix, trouve un étrange écho dans l'actualité : Bien sûr que ça aurait pu être autrement, on aurait pu continuer en France. Il y en a qui gagnaient plus ailleurs mais pas nous. C'est d'abord le fric qui a compté avant les humains qui se retrouvaient sur le carreau à ne plus avoir d'emploi.

La voix des couturières, tisserandes, bobineuses des années soixante-dix réveille celle des femmes qui les ont précédées à l'usine ou à l'atelier. Ce documentaire réaliste et poignant décortique implacablement la vie menée au travail par nos mères, nos grands-mères, nos arrière-grands-mères.

Voix

Il m'a peut-être particulièrement touchée parce que dans les voix de ces femmes, j'ai eu l'impression d'entendre à nouveau celle de ma mère quand elle me parlait de son enfance. J'ai retrouvé ses mots dans les témoignages que donne à entendre ce documentaire : Je n'ai compris que bien plus tard qu'on était pauvre. Bien sûr qu'on était pauvre mais on ne le savait pas, on était tout le monde pareil.

Ma petite Maman avait brillamment suivi l'école jusqu'au certificat d'étude, puis patienté un an en cours complémentaire. Elle avait des ambitions modestes mais démesurées pour l'époque : elle aurait rêvé d'être institutrice ou assistante sociale. Quand ses treize ans sont arrivés, elle n'était plus protégée par la loi contre le travail des enfants et elle a dû embaucher dans sa première place de bonne.

Atelier

Pour elle qui n'avait désormais plus comme idée fixe que d'échapper à cette condition, la couture a finalement été le moyen d'en sortir par le haut. C'est aussi ce que montre Le siècle des couturières : bien que très mal payé, le travail en atelier de couture a pu se révéler émancipateur pour beaucoup de femmes. Ma mère ne pouvait vivre décemment sans travail supplémentaire et passait ses soirées, jusque tard dans la nuit, à coudre pour ses clientes privées. Quand je relis les lettres de mon père, le nombre de fois où il la supplie de ne pas veiller trop tard, encore plus quand il a su qu'elle m'attendait…

Si ce n'est pas encore fait, j'espère vous avoir convaincues de regarder ce film indispensable pour comprendre le laborieux cheminement des femmes dans la société française. Je crois bien que vous ne pouvez mieux employer les prochaines 1 heure 29 minutes et 47 secondes que vous aurez de disponibilité ;-)

Et si après ça il vous en reste un peu, je vous signale que j'ai publié chaque jour de cette semaine sur Passerelle, en réponse au défi #Genealogie7Photos qui nous propose de piocher parmi nos photos anciennes pour raconter l'histoire familiale.

GeorgetteAvantMon arrière-grand-mère Georgette Rottée, née le 5 janvier 1885

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Commentaires
V
Merci pour cet article qui met en avant le travail des femmes. Je regarderai le documentaire, je me le suis promis. <br /> <br /> Votre article fait écho à une histoire vraie, celle de cette femme Haut-saônoise, Carmen Colle. La connaissez-vous ? Si ce n'est pas le cas, je pense que le combat de cette femme forte de convictions devrait vous plaire. Un documentaire a été réalisé pour retracer son combat pour les femmes : https://www.alaconquetedelest.fr/2014/01/world-tricot-lure/<br /> <br /> Bonne découverte.
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N
Merci pour le partage de ce documentaire remarquable, que j'ai regardé avec émotion.<br /> <br /> Quelles vies de labeur, pour si peu de considération... j'ai été affligée d'apprendre l'existence de ces "couvents-usines", quelle horreur que ce mélange entre religion et exploitation de ces toutes jeunes filles...<br /> <br /> Et quelle tristesse, se dire que dans d'autres lieux, d'autres ouvrières sont à présent exploitées dans des conditions misérables, au mépris de l'environnement en plus, pour que nous puissions acheter en nombre des tee-shirt à 3 euros...<br /> <br /> Bon dimanche, bises
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A
Oh merci pour le lien, je cherchais le replay, n’ayant pas pu regarder le documentaire l’autre soir. Je vous souhaite une belle journée<br /> <br /> Chantal
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M
Sylvaine, je n'ai pas vu le film, dommage ! Mais ton texte et ses illustrations m'ont fait penser au moulinage de la Neuve à Marcols-les-Eaux en Ardèche. Un lieu fantastique, encore quasiment dans son jus. Il faut le visiter ! https://www.moulinages.fr/
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A
Bonjour, un très grand merci pour votre blog dont je lis les articles avec beaucoup d intérêt. J ai été comme vous , très captivée et émue par le travail d Arte dans « le siècle des couturières « . Ayant longtemps vécu dans le Nord, j ai vu s effondrer tout le pan textile dans les années 80 et assisté à la difficulté de reclassement des ouvrières. Même la partie création « luxe » a fini sa course dans les 20 dernières années laissant un personnel créatif et qualifié sur le « carreau ». Des projets textiles sont de retour sur ces terres, mais l histoire sociale est toujours vive dans les mémoires de cette région. Merci encore pour vos partages.
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L
Bonjour,<br /> <br /> Sylvie68 se demande " 'elle cousait le soir. Moi lunettes lampe à Led avec loupe... mais comment elle faisait ?"<br /> <br /> Maman - élève de l'école Gabrielle Passelecq (= la Ruche) à Mons avant 1950 - a dit qu'elle plaçait sa chaise sur la table sous le plafonnier de la cuisine pour travailler le soir à ses devoirs de couture.<br /> <br /> Bonne semaine.
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V
Bonjour. Comme vous j’ai regardé avec grand attention c’est magnifique documentaire. <br /> <br /> Aujourd’hui On nous parle d’égalité femmes hommes. Qui a autorisé des salaires féminins très inférieurs. Ce n’est pas il y a si longtemps. <br /> <br /> Ce n’est pas du jour au lendemain que les images collectives changent. <br /> <br /> Je suis restée sans voix ces femmes ont vraiment été très courageuses.
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S
J’ai regardé ce documentaire avec émotion. Ma grand-mère avait un cap de couture et elle travaillait à son domicile pour des clientes privées ou pour la famille. J’ai un manteau qu’elle avait fait pour sa mère à l’occasion de sa venue à Paris pour l’exposition universelle. Je suis toujours interloquée en pensant qu'elle cousait le soir. Moi lunettes lampe à Led avec loupe... mais comment elle faisait ? <br /> <br /> On peut remercier nos ancêtres pour leurs combats afin d’améliorer les conditions de vie.<br /> <br /> Bonne semaine.
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M
Merci beaucoup pour cet article si intéressant ! Je regarderai ce documentaire quand je serai en vacances. Bonne soirée !
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P
Nous avons enregistré ce documentaire et je me réjouis de le regarder surtout après tous ces commentaires élogieux .<br /> <br /> L’histoire des femmes de condition modeste est étroitement liée à celle de la couture.<br /> <br /> Qui de nous toutes n’a pas dans ses aïeules une couturière qui a usé ses yeux et sa santé à coudre « pour les gens »?
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Z
Je viens de regarder ce documentaire sur lequel j'avais lu d'excellentes critiques et je suis sous le choc de réaliser à quel point les femmes, qui ont toujours été aussi importantes pour la société, n'ont jamais obtenu la reconnaissance méritée, sauf grâce à leurs luttes et à leur pugnacité. Un immense MERCI à toutes ces petites mains qui n'ont jamais baissé la garde.
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D
bien sûr que j'ai regardé ! documentaire passionnant-j'ai dans mes ancêtres toute une lignée, côté paternel, qui a travaillé dans une filature située dans l'Aisne- j'avais également une grand-mère couturière qui travaillait chez elle et ma propre mère l'aidait à ses travaux de couture- j'ai regardé également le 2ème document qui suivait, également intéressant, sur ces jeunes entrepreneurs qui essaient de relancer l'activité textile en France ! bon dimanche Sylvaine
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C
Merci Sylvaine pour ce bel article , j'ai regardé effectivement ces reportages et témoignages poignant , il me reste à chercher le deuxième document qui était plus tard dans la soirée grâce à votre message fb . Ma grand-mère espagnole était tailleur et la grand-mère de mon mari était couturière à Beauvais. Puis j'allais à Flers (orne) apprendre le patchwork où j'ai côtoyé des couturières anciennement employées dans des industries textiles qui ont fermé ; il faudrait que je me renseigne, tiens, sur ce qui s'y confectionnait !
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V
J'ai noté d'aller voir ce documentaire. Maman est couturière de base mais n'en a jamais fait son métier. Elle nous a élevé à la place (lol). Tu nous a encore proposé un thème si intéressant autour de nos ancètres<br /> <br /> violine
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M
Merci pour le lien... j'irai voir le replay dans la journée !<br /> <br /> Bon dimanche, bisous
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M
Un bon documentaire qui retrace la place, la vie, l'utilisation des femmes dans ce monde ouvrier jusqu'aux années 70, leurs luttes, bagarres, combats jusqu'aux années70 ... après l'avoir vu j'ai pensé que les acteurs de la génération "metoo" devraient voir ce film, à tord peut-être, il est toujours intéressant de connaître la génèse.
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M
Je l’ai vu aussi ce formidable document. Pas de couturière dans ma famille mais une tante modiste qui travaillait à son domicile et livrait les chapeaux aux clientes et maison de couture. Je l’ai vu faire.<br /> <br /> Ce film m’a fait penser aux excellents romans de Marie Paul Armand qui se passent dans les filatures du Nord.<br /> <br /> Bon dimanche
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Y
Un documentaire très émouvant... à voir et à revoir...
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F
L’émotion était forte, d’autant plus que mon amie Monique a suivi ce chemin; c’était une autre époque, années 50/60 , mais peu d’évolution; je la fais souvent me raconter son entrée en usine à 13 ans, forcée par une condition sociale et une absence de considération. Je lui fais raconter des journées de travail et leur organisation. Je suis toujours ébahie de sa capacité de résistance…<br /> <br /> Encore hier, à la réunion hebdomadaire, une adhérente racontait comment sa maman fabriquait des robes pour la fabrique des poupées Bella ( à Perpignan) jusque pas d’heure dans la nuit. Et qu’elle ne pouvait pas en avoir une, parce que le temps de confection, c’était des sous …<br /> <br /> <br /> <br /> Une pensée pour les couturières des pays usines qui continuent à travailler dans des conditions lamentables..
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S
Je ne suis pas une couturière qualifiée mais en mémoire de mes tantes qui étaient des "petites mains" chez Dior, Givenchy... j'ai eu la curiosité de regarder ce magnifique film et j'ai beaucoup aimé. A revoir !<br /> <br /> Merci d'en parler si bien !<br /> <br /> Beau dimanche !
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J
J'ai bien sûr regardé ce documentaire, comme un hommage à mes ancêtres qui ont exercé les métiers de bobineuse, dévideuse, stoppeuse, étaleuse de lin dans le Nord, ou de tisserande, fileuse, couturière, lingère, modiste un peu partout en France.
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E
Merci Sylvaine de ne pas manquer ce si beau documentaire.
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T
Le documentaire qui suivait portait sur la relocalisation textile et était aussi intéressant. De nouveau les couturières cherchent une reconnaissance dans un smic.
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F
Merci de nous partager vos impressions sur ce film.....des conditions de travail pour les femmes, que peu d’hommes ont connu !<br /> <br /> Il y a eu du changement......mais est ce suffisant ?<br /> <br /> Très bon dimanche et grand merci pour vos articles .
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S
Ce film criant de vérité que peu connaisse, il faut absolument de voir. <br /> <br /> bon dimanche.
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C
j'ai vu ce très beau reportage ..
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J
Merci Sylvaine pour ce rappel, j'ai suivi l'émission et je vais la regarder de nouveau car c'était très émouvant. Le parallèle avec ta maman est touchant.
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C
Pas encore vu mais cela ne saurait tarder. Bon dimanche
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A
J’ai regardé cette émission que j’ai beaucoup appréciée. Votre article me donne envie de la revoir. De nos jours on a du mal à imaginer de telles conditions de travail… merci Sylvaine pour votre article !<br /> <br /> Je vais me rapprocher maintenant de La Passerelle…<br /> <br /> Bon dimanche.
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S
Je l'ai regardé et comme vous, je le conseille vivement, c'est parfaitement filmé et traité, et aussi très bien documenté. bon dimanche. Sylvie
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M
Merci beaucoup pour cet article. J'ai regardé le documentaire à la télé en pensant à ma grand-mère couturière et qui malgré qu'elle était en retraite, a continué à travailler pour avoir un revenu décent et elle est décédée suite à un accident en allant porter son travail à son employeur. <br /> <br /> Bon dimanche.
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S
Grand merci Sylvaine pour cet article précieux. Grâce à toi je ne manquerai pas ce documentaire.<br /> <br /> Je suis particulièrement sensible à ce sujet depuis une visite guidée il y a deux ans, au Musée des soieries Bonnet à Jujurieux. Avec le pensionnat attenant, nous avons mesuré l'emprise de l'entreprise sur la vie de ses ouvrières. Elles venaient souvent de l'assistance publique et c'était parfois leur seule planche de salut.<br /> <br /> Merci de continuer à transmettre à nous toutes, femmes, notre histoire.<br /> <br /> Sabine des Hautes-Alpes (= @les_passions_de_sabine sur IG)
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M
Votre article me donne très envie de voir ce film sur replay.<br /> <br /> Merci beaucoup.<br /> <br /> Bonne journée mip
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J
Merci pour ce très beau témoignage sur un monde particulièrement passionnant et émouvant ! Ma mère a suivi également ce parcours de couturière après son certificat, BEP et CAP couturière tailleur... elle m’en a souvent parlé et j’aurais aimé avoir son cahier d’apprentissage ! Un trésor pour celles qui sont passionnées par cette histoire ! Elle aussi, après travaillé pour un tailleur à Rouen, a continué par travailler d’abord le soir puis uniquement, après son mariage et en attendant ma grande sœur, dans la petite pièce qui leur servait de logement ! Un travail minutieux et lourd et tellement mal payé malgré tout... elle a fini par arrêter de travailler ainsi mais à passé quasiment toute sa vie à coudre pour sa famille et certains amis, robes, tailleurs, costumes... même chapeaux et accessoires ! Des merveilles !<br /> <br /> Je n’ai pas vu voir le documentaire mais je vais le faire cet après-midi ! <br /> <br /> Bon dimanche à toutes - Jackie
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