Silence, les aiguilles !
Bientôt les États-Unis entreront en guerre. Le front est loin mais toute l'Amérique pense à ses soldats perdus sur le front européen, les pieds dans la boue des tranchées, exposés au froid et à tous les mauvais vents.
Qu'à cela ne tienne : les jeunes, les vieux, les dames et les messieurs, tout le monde tricote pour réchauffer les soldats yankees avec chaussettes, moufles, pulls et cagoules.
War knitting bees à Central Park le 31 juillet 1918 - National Archives
Du reste, l'habitude est prise depuis bien avant l'implication directe des États-Unis dans le conflit mondial, avec la Croix-Rouge américaine et les divers comités charitables qui appellent déjà depuis longtemps à tricoter pour les blessés de guerre et les soldats, qu'ils soient américains ou pas.
Appel au tricot ! Archives de la Croix-Rouge américaine et bibliothèque du Congrès
Les aiguilles s'activent tellement qu'on tricote dans l'espace public aussi volontiers qu'à la maison. On ne s'en cache pas, on s'affiche même et la propagande charitable s'empare de ces images qui représentent tout un peuple s'associant à sa manière à l'effort de guerre.
On tricote au bureau...
On tricote au restaurant...
On tricote même au tribunal !
Alors pourquoi pas au concert ? La pratique est admise mais n'est pas sans susciter quelques désagréments et visiblement, l'usage des aiguilles à tricoter n'était pas loin de susciter les mêmes préventions que celui du téléphone portable aujourd'hui.
En témoigne cet avertissement figurant dans un programme de 1915 que les archives du New York Philarmonic nous proposent désormais en ligne. Si l'on précise en préalable apprécier l'esprit de charité déployé en réaction à la calamité mondiale de la grande guerre, il n'en reste pas moins que le cliquetis des aiguilles trouble l'écoute sereine des concerts.
Alors, respectfully... silence !