Le marquoir de Camille Jullien
J'ai su que mon jour de chance était arrivé lorsqu'un matin, sur le marché de Dijon, je suis tombée sur ce marquoir rouge qui sortait à peine des cartons. Enfin j'ai vraiment su que c'était un jour de chance quand on m'en a dit le prix… C'était il y a une quinzaine d'années, 50 francs c'était certes une somme (surtout quand on est parti pour acheter six œufs et une salade !) mais les marquoirs étaient déjà le plus souvent inabordables, si bien que je n'ai jamais envisagé de les collectionner. En réalité, le (très petit) fonds que je me suis constitué pour le plaisir l'a été au gré d'occasions de ce genre.
Bref, je n'ai pas hésité une seconde : la localisation de l'ouvrage à Dijon l'a emporté sur tout le reste et d'ailleurs, je crois que la marchande, prise un peu au débotté, regrettait déjà son prix mais je l'avais en main… trop tard ;-)
Plus tard, j'ai donné ce marquoir au PCB pour le recueil "Petite Cuisine entre Brodeuses" réalisé à l'occasion de l'exposition de 2010 au Cellier de Clairvaux, ce qui explique que certaines le reconnaîtront. Comme le livret est épuisé depuis la fin de l'expo, j'en profite pour le proposer à nouveau ici.
Camille a brodé sur un canevas souple, avec un fil de coton rouge qui pourrait bien être du Broder Spécial et qui, aujourd’hui encore, a conservé tout son satiné. L'ouvrage mesure 34 cm sur 23. Le travail est joliment fait, il n'y a qu'à regarder l'envers pour constater que l'arrêt des fils est moins négligé que souvent sur les "petits rouges". A 9 ans… bravo, Camille ! Le détail qui tue ? Il lui a manqué juste une aiguillée de rouge pour terminer, et elle a brodé une rangée d’une centaine de points en orangé sur la droite de son marquoir, ce qui se distingue à peine, d’ailleurs.
Après avoir fait quelques recherches, je me suis aperçue, aux mentions marginales portées sur son acte de naissance, que nous avions sept ans pour nous croiser sur cette terre, Camille et moi… je ne sais pas pourquoi ce genre de détail absurde se révèle finalement si émouvant, mais probablement les brodeuses et les collectionneuses me comprendront-elles ?
Document issu des archives en ligne de Côte-d'Or
Née à Dijon le 23 novembre 1888, Camille s'y est mariée avec un boulanger douze ans après avoir brodé son marquoir et s'y est éteinte à l’âge de 77 ans. Du côté maternel, elle est d'une famille côte-d'orienne pur jus : la maman est née en 1863 à Fauverney et j'ai suivi cette branche dans le département au moins jusqu'au XVIIIème siècle, partie dans l'arrière côte, dans les environs de Ternant et partie dans la plaine de Saône, vers Vonges. En revanche du côté du papa, né en 1856 près d’Auxonne, on se retrouve dans le Jura dès qu’on arrive aux grands-parents de Camille.
J'ai aimé chercher à en savoir un peu plus sur cette petite fille dont le sage abécédaire s'est retrouvé par hasard entre mes mains, j'ai aimé prendre le temps d'en tracer chaque croix pour le mettre en diagramme. Si cela vous tente, vous pouvez le télécharger en cliquant sur la vignette qui suit.