Les trésors du père Soufflet
L'Oise est le terroir de ma branche paternelle et toutes les occasions sont bonnes pour m'imprégner de son environnement. La flânerie dans la vie de mes ancêtres peut être bien réelle ou le plus souvent virtuelle ; elle trouve parfois à se cristalliser sur les objets du quotidien.
Voilà comment cette étonnante boîte publicitaire m'a conquise... d'autant plus qu'à la qualité de sa localisation s'ajoute celle de son thème. Je me suis donc amusée à la garnir de bricoles de mercerie ancienne, en privilégiant un registre d'articles plutôt populaires.
Car Théophile Soufflet était marchand forain et débitait de la mercerie sur les marchés de Songeons, d'Aumale, de Formerie et de Grandvilliers. En cherchant à localiser sur la carte les bourgs qu'il fréquentait, je me dis que mes ancêtres couturières qui vivaient à Wambez, Hécourt, Oudeuil, Lihus ou Hétomesnil ont toutes les chances d'être venues vers lui chercher le nécessaire pour leurs travaux d'aiguille.
Carte du département de l'Oise en 1891 - source Gallica
Il était bien organisé : il s'était établi à Campeaux où sa femme avait hérité un petit bien de ses parents et avait donc pris le parti de rayonner dans les quatre bourgs un peu importants les plus proches de chez lui. Elle est grande, la tentation d'essayer de le deviner dans ces cartes-photos des marchés qu'il fréquentait ;-)
Ce petit gars de la banlieue parisienne avait gentiment mené sa barque. Plutôt que de mettre ses pas dans ceux de son père, teinturier à La Villette, il était parti sur les chemins faire le colporteur en direction de la Normandie ; puis il était finalement venu se fixer là, dans l'Oise, en gardant un peu le plaisir de l'itinérance avec le fourgon de mercerie qu'il trimballait sur les marchés des environs.
Après avoir ainsi roulé sa bosse, il n'est pas pas étonnant qu'il ait bien développé sa petite affaire : au tournant du siècle, il la faisait prospérer avec deux employés de commerce et visiblement un certain goût pour les moyens publicitaires, comme en témoigne donc cette boîte-prime qu'il devait réserver à sa chalandise la plus fidèle.
C'est malin car il tenait ainsi en permanence, sous les yeux de ses clientes, une liste terriblement tentatrice de tout ce qui pouvait leur être nécessaire… ou pas ;-)
Fils divers et variés de coton, de soie ou de laine, un assortiment bien choisi de boutons de nacre, de corozo, de faïence, de métal et de jais, des albums de marque, des aiguilles, des crochets et des épingles, des lacets, des buscs, les inénarrables dessous de bras et la tresse-balayeuse si bien nommée, toutes les dentelles, galons, rubans et passementerie imaginables…
Autant de tentations mercières auxquelles il ajoutait, dans un grand élan de pragmatisme, une théorie de petits articles de ménage et d'hygiène, de la parfumerie fine aux dentifrices Botot, de la tétine de biberon à la bretelle de pantalon.
Redoutable père Soufflet ! Chaque article, ou presque, mériterait de faire l'objet d'un développement à lui tout seul. Voilà une idée que je mets de côté pour les jours où je chercherai l'inspiration ;-)