Dans les pas de Marville
Je peux bien le dire, puisque tout le monde ici a déjà compris que j'étais un peu à l'ouest : un de mes petits plaisirs est de sillonner les rues de Paris en me perdant dans les photos anciennes.
En 1865, le service des Travaux historiques de la ville de Paris commande à Charles Marville un reportage photographique destiné à documenter toutes ces rues que les grands travaux engagés sous l'égide du baron Haussmann vont bientôt faire disparaître à jamais. Il les fixe alors en 425 photos qu'il réunit dans l'Album du Vieux Paris et qui sont proposées sur le portail des bibliothèques patrimoniales de la capitale.
Partie à l'exploration de dizaines et de dizaines de ces photos, j'y fais des découvertes qui m'amusent, qui m'étonnent, qui me touchent, parfois les trois à la fois. La cage accrochée au volet pour faire profiter l'oiseau d'un rayon de soleil, les légumes dans la vitrine du primeur, le linge qui s'aère à une fenêtre, les crochets d'un commissionnaire déposés devant le marchand de vins, les trois géraniums qui font tout un jardin devant la loge de la concierge, les titres de presse à la devanture du kiosque à journaux... Je n'en finis pas de m'arrêter, de revenir, de tourner le coin de la rue, de lever les yeux vers les étages, bref de faire ma badaude dans les rues de la capitale.
Et devinez ce qui immanquablement me fait frémir ?
passage Saint-Guillaume, vers le débouché sur la rue Richelieu
rue d'Argenteuil, au croisement avec la rue des Frondeurs
rue de la Harpe depuis la rue de la Huchette
rue Mauconseil, au débouché de la rue Mondétour
rue des Innocents, numéros pairs pris depuis la rue Saint-Denis
rue Estienne, depuis la rue Boucher vers la rue Tirechappe
rue Mauconseil, depuis le carrefour Mondétour-Montorgueuil
Marville nous offre une balade dans des rues étrangement désertes ; elles sont en réalité souvent animées de fantômes, qui trahissent leur présence par un brouillard flottant le long des façades. En mouvement incessant, le peuple de Paris se dissout dans les temps de pose qu'exigeait le matériel de l'époque. Et puis parfois, au détour d'une image...
Alors pour celles qui se demandent quel est le rapport de tout ça avec l'haltérophile délicatement posé sur son napperon au crochet d'hier (vous n'êtes pas trop déçues ?), c'est simplement que je suis tombée dessus en me baladant sur l'excellent site de Laurent Gloaguen, qui documente de façon très approfondie les photos de Marville et surtout les rues de la capitale. Si vous avez des recherches à faire sur le cœur de Paris au XIXème siècle, c'est un incontournable. Et grâce à lui, nous avons bien ri :-)
J'adore ces traces du textile et de la mercerie glanées dans les rues des villes ; mais ce n'était qu'une mise en jambe, avant de passer aux choses sérieuses dimanche prochain, avec une autre photo de Marville.
Pour suivre mes aventures purement généalogiques, c'est ici, avec un billet publié lundi dernier sur une recherche à Paris pendant la Révolution.