L'art de la couleur extraite de la nature
Peut-être n'étiez-vous pas à l'écoute de la radio hier soir mais c'est un des grands plaisirs d'Internet que de pouvoir profiter d'une session de rattrapage ;-) Je ne saurais donc trop vous engager à aller réécouter l'émission des Savanturiers diffusée sur France Inter et qui donnait la parole à Dominique Cardon.
C'est une spécialiste à la fois pointue et pragmatique, technique et passionnée qui sait très bien communiquer sur son sujet de prédilection. Historienne des textiles et des teintures naturelles, elle pratique une archéologie vivante et expérimentale qui la conduit à reconstituer et à tester toutes les méthodes qu'elle recueille autour du monde. Les couleurs dont elle se vêt ont nom fleur de pêcher, poil de lion, sanguine ou fleur d'ancolie.
photo Frédérique Jouval pour Le Monde
Enracinée dans son jardin cévenol où elle cultive les plantes tinctoriales qu'elle utilise pour ses recherches, Dominique Cardon parcourt le monde pour apporter son expertise des tissus anciens sur les sites de fouilles les plus renommés. Elle étudie ainsi les textiles de l'âge du bronze au Xinjiang dans le désert du Taklamakan, ceux du néolithique sur les rives du lac de Paladru en Dauphiné ou encore en Egypte ceux de l'époque romaine. Au Groenland, elle fait redécouvrir à des étudiants locaux les procédés qu'utilisaient les inuits et les colons scandinaves pour donner couleurs à leur costumes.
Sa passion est née en Irlande où elle a appris à tisser à bras de belles matières comme la soie ou l'alpaga, dans ce pays où les artisans produisent des tweeds uniques teints avec des lichens. Elle raconte avoir éprouvé un véritable choc au Pérou en découvrant les textiles précolombiens teints avec des colorants naturels comme l'indigo ou la cochenille, selon des recettes encore utilisées aujourd'hui.
Dominique Cardon est une collectionneuse de couleurs, ce qui lui a également valu de travailler pour la haute couture, notamment la maison Chanel à laquelle elle a fourni des tweeds luxueux teints dans une cinquantaine de nuances de roux ensoleillés.
Mais un de ses soucis essentiels est de maintenir la chaîne de la transmission et c'est pourquoi elle collationne des centaines de recettes de teintures naturelles pour les sauver de la disparition. Elle les recueille auprès de ses collègues archéologues, anthropologues, chimistes ou paléobotanistes, mais surtout auprès des teinturiers traditionnels souvent fort âgés et dont le savoir court un grand risque de se perdre.
Allez l'écouter expliquer tous les éléments qu'elle doit étudier avant de publier un textile, raconter ses découvertes et ses expérimentations, vous ne le regretterez pas. Ah ! le gant de Saint-Fulcran !
Quant à moi, je crois que je sais quoi faire de certain chèque-cadeau à la FNAC que je conservais depuis l'été dernier ;-)