Le monde est à raccommoder
L'artiste québécoise Josette Villeneuve vit et travaille à Shawinigan, une ville de Mauricie située à quelques dizaines de kilomètres au nord de Trois-Rivières. Sa dernière exposition, Lignes de flottaison, est en prise directe avec une interrogation très actuelle sur nos modes de consommation.
Elle met du sens dans ses œuvres en utilisant un matériau qui existe déjà et qu'elle réutilise, en résonnance directe avec son propos. Je ne pense pas que je puisse faire quelque chose qui ait autant une portée que ce travail-là. (...) Ça touche au transport de marchandises, à la mondialisation des marchés, ça parle de consommation, de surconsommation.
Son exposition s'appuie dans un premier temps sur des cargos à la dérive. Ils sont matérialisés dans des tableaux-collage dont la trame de fond est constituée à partir d'étiquettes de vêtements numérisées. Les porte-containers, très colorés, reprennent l'esthétique séduisante et soyeuse de ces étiquettes dans une sorte de pixellisation étourdissante, en même temps qu'ils illustrent la menace sourde que font peser sur notre environnement des modes de production mondialisés.
En suivant le fil conducteur de l'eau, elle fait dialoguer ses cargos échoués avec de grands dessins de ses petits-enfants nageant dans le lac. Parce que dans la vie, tu ne peux pas toujours être insouciante, tu ne peux pas toujours penser à la catastrophe, mais en même temps, c'est là.
Le clou du parcours est une des gigantesques mappemondes qu'elle élabore en assemblant patiemment sur une toile de fond des étiquettes de vêtement récupérées à grande échelle sur des vêtements usagés. Les quantités, c'est phénoménal, ce qui se jette.
De l'infiniment petit à l'infiniment grand, Josette Villeneuve matérialise le constat lucide et désolant d'une fast fashion produisant des quantités énormes de marchandises médiocres, dans une sorte de mouvement perpétuel qui semble ne vouloir prendre fin qu'avec nos civilisations.
C'est important que l'œuvre ne soit pas juste agréable, je veux qu'il y ait un propos. Comment ne pas adhérer à la vision d'une artiste qui met, encore et toujours, le textile au service de l'histoire qu'elle veut raconter ? Et puis celle-ci coud avec une machine Bernina, comme ma maman, voilà qui emporte tout ;-)
Ça fait longtemps que je n'étais pas allée vous chercher une pépite sur La Fabrique Culturelle. Visiter virtuellement l'exposition Lignes de flottaison et écouter Josette Villeneuve évoquer sa démarche, c'est un dimanche qui commence bien !