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Ouvrages de Dames
23 avril 2023

Découverte sensationnelle dans la couture

Je reste sur ma lancée de dimanche dernier et de la mercerie vintage avec ce curieux Passfils provenant du même don que mes bobines à tête.

Passfils

C'est une pochette bavarde comme on les aime, qui fourmille d'indications et de slogans flatteurs ; une découverte sensationnelle dans la couture, qui permet de reproduire les tracés d'un patron sur le tissu.

Il s'agit d'un procédé assez original pour son époque, probablement, puisqu'il a été breveté et a même obtenu une médaille d'argent à la foire de Paris ; un simple papier décalqueur, pourtant, qui n'a rien pour nous étonner aujourd'hui.

Passfils endroit haut

Passfils endroit bas

Au verso figure le mode d'emploi et les différentes manières d'utiliser le Passfils : soit avec une roulette à patron, soit en piquant avec une machine à coudre dont on a laissé l'aiguille désenfilée.

La promesse est alléchante : enfin il n'est plus nécessaire de passer par la fastidieuse étape du faufilage pour marquer ses patrons sur le tissu. Et voilà qui justifie l'astucieux nom dont on a baptisé le dispositif. Même la lingère et la brodeuse peuvent reproduire leurs dessins !

Passfils envers haut

Passfils envers bas

Le papier existe en blanc, jaune et bleu pour pouvoir s'adapter à toutes les teintes de tissu et il est utilisable un nombre incalculable de fois.

Mais la bonne affaire, c'est qu'il ne salit pas les mains ! Certainement ce papier à reproduire les patrons, dont la version moderne nous semble si ordinaire, apparaissait-il fort pratique avant-guerre puisqu'on donnait encore des astuces pour fabriquer soi-même son papier à décalquer. Le Larousse ménager en 1926 ou bien La femme chez elle en 1932 proposent par exemple des recettes maison qui ne paraissent pas plus engageantes l'une que l'autre.

Recettes
Source : Gallica

La pochette contient une bande de papier enduit, un peu mou, et alourdi par le traitement qu'il a subi. C'est vrai qu'il ne tâche pas les mains ; et en plus, il remplit toujours son office, quasiment un siècle plus tard !

Pointillés

Ce Passfils n'est guère facile à suivre dans la presse, il faut avancer en crabe pour parvenir à le cerner. Une première recherche renvoie bien peu de résultats : une occurrence seulement dans Gallica et qui ne nous mène pas bien loin puisque c'est une petite annonce pour recruter des représentants. Assez pour obtenir une adresse, 18, rue des Capucines et une époque, juste avant la dernière guerre.

Intransigeant 03-05-1936
L'Intransigeant du 3 mai 1936 - Source : Gallica

Pour la raison inverse, ce n'est pas plus simple d'entrer par le nom de Vivet qui figure également sur la pochette, mais sans plus de précisions : beaucoup trop de résultats, même en le recherchant couplé avec le terme mercerie.

Heureusement nous sommes à Paris, le salut vient des annuaires. Dans le Paris-Adresses de 1932, proposant providentiellement un tome classé par rues, il suffit de se rendre au 18 de la rue des Capucines pour découvrir que l'immeuble héberge non pas un fournisseur de mercerie mais un atelier de couture au nom de Vivet.

Paris-Adresse 1932

De quoi relancer le travail de fouine en recherchant cette fois Vivet en proximité de couture, ce qui se révèle un peu plus payant. C'est une maison qui se targue même de donner dans la haute couture et propose des talents de dessinatrice pour exécuter des croquis dans ce domaine. Elle a donc créé le papier dont elle avait besoin, en escomptant faire un peu de profit avec sa commercialisation.

Vivet CoutureDidot-Bottin de 1928 et Les Échos du 8 août 1931. Source : Gallica

Une dernière petite recherche, pour rendre à Valentine ce qui est à Valentine. Par chance, les Vivet habitent sur leur lieu de travail, nous les retrouvons donc au recensement de 1936, à l'adresse de l'atelier.

Attention, surtout ne reproduisez pas cette cascade chez vous ! Henri Vivet est sapeur-pompier et on lui a opportunément ajouté en surcharge la fonction de couturier pour pouvoir le faire apparaître comme patron de la maison, puisque sa femme est incapable juridique. Au moins ma Juliette avait-elle été un peu rétablie dans la réalité de son activité, un demi-siècle plus tôt, par l'agent recenseur.

Car la vraie couturière, c'est Valentine, et c'est sur elle que repose le fonctionnement de l'atelier comme le trahit le tour de passe qui consiste, juste à deux lignes d'écart, à la faire apparaitre comme l'employeuse de Lucie Lebourgeois, sa seule couturière logée.

Recensement 1936Recensement de 1936 au 18 rue des Capucines. Archives de Paris

La maison de couture Vivet, c'est donc Valentine Chitel, née en Normandie en 1895, qui divorcera d'Henri en 1949 et vivra encore un demi-siècle, jusqu'à l'âge respectable de 103 ans. Un profil de femme, à nouveau, discernable in extremis derrière ma pochette de papier décalqueur...

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Commentaires
N
Tres interessant! Merci!!
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V
tu as le don de te promener facilement sur Gallica pour nous trouver des pépites sur la mercerie... j'ai connu le carbone pour la broderie traditionnelle. Bon un peu salissant...<br /> <br /> bonne soirée<br /> <br /> violine
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G
Bonjour Sylvaine<br /> <br /> Voilà un article fort passionnant qui nous en dit beaucoup sur le Passfils. Je ne connaissais pas du tout. Je connaissais le système du papier calque ou du papier carbone, pas toujours pratique et salissant. Merci pour tes recherches. J'ai loupé quelques articles, car plus aucune notification de la part de Canalblog. C'est rageant, et ce depuis un certain temps. Bonne semaine. Gros bisous.
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M
Décidément, Sylvaine, nous apprenons toujours quelques chose de très intéressant en te lisant ! Merci et bonne journée.
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M
Je savais bien que j’avais raison de te confier tout ce fourbi 😉 C’est un vrai bonheur de découvrir l’histoire de ces petits objets et de les savoir entre de bonnes mains!<br /> <br /> Merci Sylvaine 🥰
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I
Enquetrice hors pair, conteuse passionnante !! merci Merci Merci
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N
MERCI, encore une belle histoire bien déroulée!<br /> <br /> Je ne rajoute rien a ce qui a déjà été superbement ecrit!<br /> <br /> Vous êtes unique pour trouver, raconter et nous passionner<br /> <br /> Bonne semaine. Nursy
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N
Merci pour cet article passionnant, et toutes ces explications très claires.<br /> <br /> Moi qui aime pourtant le "fait-maison", là j'avoue que les recettes proposées, très peu pour moi...<br /> <br /> Bonne fin de dimanche, bises
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D
vous avez le don de faire vivre les choses et les gens-merci pour toutes vos recherches<br /> <br /> danielle
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M
Merci.
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J
Très intéressant cet article, je ne connaissais pas l'histoire et maintenant je regarderai d'un autre œil ma petite collection de passfils !!!! Merci.
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P
Passionnantes recherches, c'est fou comme tu démêles bien la pelote à partir d'un simple prospectus ! Je m'en vais de ce pas récupérer un peu de noir de fumée dans le conduit de cheminée pour le mélanger à du savon mou et de l'huile rance. Boudiiiii.... je me sens un peu fatiguée, moi....
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N
Bonjour,<br /> <br /> Je vous remercie pour tout l’intérêt de vos publications !
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M
Merci pour cette belle découverte, je ne connaissais pas du tout ce papier passfil, et j'imagine comme il a du rendre service à toutes ces dames pour leurs travaux de couture et/ou de broderie.<br /> <br /> Merci pour avoir fait revivre Valentine et lui avoir redonné toute sa place.<br /> <br /> Bon dimanche !
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F
Un article très intéressant, merci pour ces recherches et surtout de nous les partager.<br /> <br /> J’ai appris en ce dimanche, encore plein de choses.<br /> <br /> Merci...merci.<br /> <br /> Bonne journée.
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D
C'est époustouflant tout ce que tu arrives à retrouver avec juste "un petit papier" au départ.<br /> <br /> Merci pour tes articles toujours passionnants.
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S
"Très bon papier pour ce papier". Vous allez pouvoir l'utiliser pour vos ouvrages. Merci et bon dimanche.
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M
Trop sympa ce travail d’enquêtrice bravo et merci pour ce partage
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F
Très très intéressant , comme a chaque article, quelle chance d'avoir tous ces documents en main, merci pour le partage<br /> <br /> j'adore la généalogie j'ai mis 10 ans pour faire mon ascendance et celle de mon conjoint , c'est comme trouver un trésor , on a toujours quelque chose qui vous pousse à aller plus loin, quand on tombe dedans on y reviens toujours<br /> <br /> Gigi
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J
Merci pour cet article passionnant ! J’ai encore appris des tas de choses sur un objet que je connaissais pour l’avoir vu chez ma mère, ancienne couturière, mais j’avais oublié son usage. J’adore retracer l’histoire des objets et des techniques. J’en ai certains chez moi, donnés par ma mère qui les avait parfois reçus dans sa jeunesse dans les années 30, ainsi que des revues surtout autour de la broderie. <br /> <br /> Merci pour vos messages qui nous apportent beaucoup ! Bon dimanche <br /> <br /> Jackie
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F
Fabuleuses recherches !!! J'adore !!
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S
Bonjour Sylvaine. C'est formidable d'avoir retrouvé et réhabilité Valentine ! J'aime beaucoup ta façon de nous raconter ton cheminement de recherches, de fil en aiguille,comme si tu sautillais d'une pierre à l'autre sur le gué d'une rivière.<br /> <br /> Merci !<br /> <br /> @sabinedeshautesalpes
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A
Quelles recherches et découvertes passionnantes. Merci
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C
Je suis toujours épatée par tes recherches que l’on suit passionnément. Bon dimanche
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