Apprendre la couture en 1821
Ça fait un bout de temps que je ne vous ai pas montré de cahier de couture mais en voilà à nouveau un qui mérite d'être admiré. Il est passé en vente au mois d'août chez Mellors & Kirk et provient de la collection de la styliste Sally Tuffin.
Il est remarquable mais malgré tout, il est parti à 5000 £ (5700 €), ce qui ne laisse pas de me surprendre, d'autant qu'il faut encore ajouter à cette somme 25% de frais.
Comme l'autrice du cahier le documente elle-même en détail dès la première page, il collecte les échantillons réalisés en 1821 par Isabella Erskine, professeure dans une école industrielle à Manchester.
Les écoles industrielles s'inscrivent à cette époque dans un traitement coercitif de la pauvreté. Il s'agit d'instaurer sur les classes inférieures de la société un contrôle institutionnel qui permette d'en tirer une productivité maximale.
Elles ont été créées afin d'accueillir les enfants encore trop jeunes pour qu'on puisse décemment envisager de les envoyer directement à l'usine, et aussi pour certains philanthropes plus progressistes, de retarder l'âge où ils seront exposés aux abus des ateliers. Encore laissées à l'initiative privée en ce début de XIXe siècle, elles témoignent d'autant d'approches différentes.
Certaines n'offrent aux enfant que de trimer : on leur fait filer le lin et la laine, poser les têtes d'épingles, tricoter des bas ou apprendre le service domestique, tout en considérant la lecture comme une distraction inutile.
Sans doute n'est-ce pas le cas dans les écoles patronnées par le comte et la comtesse De Salis, si l'on en croit la présence de plusieurs textes brodés dans le cahier modèle d'Isabella Erskine.
Les échantillons qu'elle présente dénotent d'ailleurs un apprentissage qui va bien au-delà de la couture purement utilitaire et est bien loin, pour la broderie, de se cantonner à la seule marque du linge. Peut-être la professeure avait-elle aussi pour mission de former des brodeuses émérites dans l'ornement des textiles ?
Mais bien entendu on retrouve dans son cahier l'initiation aux bases de la couture au quotidien : ourlets, plis, boutonnières et surtout le raccommodage et la pose de pièces sans lesquels il n'est pas de foyer bien tenu.
Et pour compléter une parfaite éducation aux travaux d'aiguilles et permettre aux filles de faire face à toutes les nécessités de l'économie domestique, une belle part est réservée aux techniques du tricot.
Quelle universalité dans ces travaux d'aiguilles ! Car la langue mise à part, tous ces échantillons auraient aussi bien eu leur place dans un cahier français, vous ne trouvez pas ?