Découpages au pays d'Enhaut {2}
Faut-il y voir un signe ? L'année où s'éteint Hauswirth est celle où naît Louis David Saugy à Gérignoz, un village de Château-d'Oex. Le même émerveillement naît à observer la production de cet artiste dont l'histoire, le tempérament et le parcours sont pourtant si différents de son grand ancien.
"Louis à Jules" grandit entre un père paysan qui découpe volontiers de grandes silhouettes et une mère institutrice, douée pour le dessin. C'est une première différence avec l'instinctif Hauswirth, dont les papiers ne révèlent aucun tracé avant l'intervention des ciseaux : Saugy professe l'importance d'être dessinateur pour pouvoir être découpeur.
Si lui aussi parcourt le pays de long en large, c'est pour exercer son métier de facteur. De la même manière, il se nourrit de tout ce qu'il observe en chemin et admire, lors de ses passages chez les uns et les autres, les papiers laissés par "le vieux" quelques décennies plus tôt. Lui est tout à fait intégré à cette petite société du pays d'Enhaut à laquelle le lie si bien son métier. Ce confort n'empêche pas Saugy d'être particulièrement exigeant dans le regard qu'il jette sur son propre travail : il mettra quarante ans avant de proposer ses premiers papiers à la vente. Il est rapidement reconnu, exposé à Genève, mais le succès qu'il remporte alors ne l'entraînera à aucun compromis dans la qualité de son découpage.
Hauswirth était solitaire et silencieux, Saugy est truculent et courtisé pour son talent. A sa porte se présente le gratin de l'époque… qu'il acceptera ou non de recevoir, en fonction de critères tout personnels ;-) Mais, aussi généreux que son prédécesseur, il sème ses découpages dans toutes les habitations de la vallée, les personnalisant à l'envi pour leurs destinataires. Jusqu'à sa mort en 1953, il construira ainsi la chronique impalpable et fragile d'une société rurale vivant au rythme des saisons.
Dans les traces de ces grands précurseurs, le découpage est aujourd'hui un art vivant, bien implanté au pays d'Enhaut. Le musée met aussi à l'honneur les artistes contemporains et se positionne, dans le cadre de son projet scientifique et culturel, comme futur centre de compétence du papier découpé au niveau national.
J'espère vous avoir donné envie de me suivre au pays d'Enhaut, proche et dépaysant à la fois. Je vous livre donc mon dernier secret : les impeccables chambres d'hôtes où Armelle et Jean-Jacques Morier nous ont réservé un accueil chaleureux et discret, dans le cadre grandiose de leur ferme du Berceau.
Ah si ! Encore un tuyau, soufflé par Armelle : pour un dîner succulent (et généreux !) dans une ambiance détendue, le restaurant de la Croix-d'Or aux Moulins, déjà évoqué dans ce précédent billet sur les maisons gravées.