Souvenirs de famille
Que c'est dur de sortir d'un ouvrage qui nous tient à coeur quand on vient de le terminer ! On voudrait n'avoir jamais à y mettre le dernier point.... C'est ce qui vient de m'arriver avec le torchon que j'ai brodé pour Nans-sous-Sainte-Anne : il m'a permis de renouer avec les ouvrages au long cours que j'affectionne mais que j'avais un peu perdus de vue depuis quelque temps.
C'est qu'un ouvrage brodé est bien plus qu'un objet inanimé fait de toile et de fil : il contient des heures de pensées profondes ou légères, des émotions voletant au détour d'une phrase posée sur le tissu, et finalement tout un dialogue intime avec soi-même qui s'instaure au cours de son élaboration. Je crois que c'est ce que représente pour moi le temps passé à broder : le seul moment où je n'ai rien d'autre à faire que rêvasser en faisant avancer mon aiguille. Et j'en construis, des châteaux en Espagne ! Et j'en refais, des mondes meilleurs où chacun a droit à sa part de soleil ! Et j'en invente, des réponses définitives aux méchancetés du monde...
Heureusement, participer à un concours c'est un sacré bon cadrage quand on a tendance à la divagation. Je ne me fais pas d'illusions : cet ouvrage-là n'était pas près d'être fini si je n'avais pas eu la date butoir du 25 mars en ligne de mire. Comme bien sûr je n'ai commencé que très mollement en janvier, il m'a fallu ensuite compenser ce retard à l'allumage en y consacrant tout mon temps libre pendant ces dernières semaines. Quand je pense que Marlie a reçu les premières contributions dès le mois de décembre... je me dis qu'on m'a sabotée au moment des réglages en usine !
Pourtant j'avais décidé de participer dès le mois de mai dernier, au moment même où j'ai vu le torchon d'Irénée Geriet. Et j'ai su tout de suite ce que je broderais : les souvenirs de ma maman, elle qui les a vus peu à peu sombrer dans le brouillard de sa mémoire perdue.
Mon vieux torchon raconte sa vie de torchon dans la petite maison de bois et de tôle que mon grand-père a construite de ses mains. Il parle de sa roseraie, le seul luxe qu'il se soit autorisé. Il contient le temps qui va auprès d'Eugène, d'Ernestine et de leurs quatre filles. J'ai des souvenirs d'enfant citadine dans cette campagne que j'ai connue jusqu'à la mort de mon grand-père, quand j'avais quatorze ans. Ils se mêlent à ceux que nous racontaient ma mère et mes tantes autour des tablées du dimanche. Ce n'était pas difficile de les faire démarrer... et nous nous régalions des anecdotes entendues encore et encore, que nous connaissions par cœur et qui nous faisaient rire toujours aux mêmes endroits. Nous aimions nos conteuses, elles aimaient leur public, c'est l'histoire de la famille qui s'écrivait autour de leurs récits. En même temps qu'elles, se sont effacés les liens…
Si je mets de côté ceux organisés en interne au PCB, c'est la première fois que je participe à un concours car j'ai un peu de mal à associer la compétition et le jugement de valeur avec la broderie. Mais ceci mis à part, l'expérience m'a plu et je suis déjà tentée de replonger avec le projet 2015. Pour le moment je suis juste rebutée par la relative petite taille imposée : 210 x 170 points, ça me paraît juste pour s'exprimer sur un marquoir. Mais les contraintes font partie du challenge, alors… je réfléchis,>)))