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Ouvrages de Dames
3 décembre 2017

Qui es-tu Ernestine ? {3}

Que savons-nous d'Ernestine et de sa famille, après nos recherches dans l'état-civil effectuées en ligne et en mairie ? Si vous avez bien fait vos devoirs, vous aurez glané autant de renseignements que moi... et plus encore, j'espère :-)

  • elle naît à Bouix le 7 août 1873 et quitte la vie dans une maison de retraite de Châtillon-sur-Seine, bourg voisin de son village natal, le 12 mars 1970. Elle a alors quatre-vingt-seize ans ;
  • elle vit célibataire ;
  • ses parents, Louise DÉON et Jean Baptiste DÉVIRAT, se marient à Bouix, le 19 juin 1871. Louise est âgée de dix-sept ans et Jean Baptiste a huit ans de plus. Il affiche le métier de vigneron et Louise, quant à elle, récolte le fameux "sans profession particulière" qu'on épinglait bien souvent sur les femmes ;
  • un premier enfant leur naît le 21 mars 1872, tout juste neuf mois après le mariage. Ils l'appellent Charles ;
  • la branche maternelle d'Ernestine est implantée à Bouix depuis au moins trois générations. Son grand-père et ses deux arrière-grands-pères y étaient déjà vignerons ;
  • sa branche paternelle bouge à peine davantage. Jean Baptiste est né à Pothières, le village voisin distant de cinq kilomètres, d'où étaient sa maman et les parents de sa maman. De ce côté-là, la famille est peut-être un peu moins paysanne, on y trouve notamment un mineur ;
  • Jean Baptiste, son père, mourra assez jeune, le 21 mars 1899. Il a alors cinquante-quatre ans ;
  • Louise lui survivra pendant trente-deux ans, avant de partir à son tour le 13 décembre 1931.

Bouix rue de la Poterne
Bouix, rue de la Poterne

Je ne suis pas remontée plus haut que les arrière-grands-parents d'Ernestine car je ne compte pas faire sa généalogie ; il s'agit simplement d'appréhender son contexte familial. Il était modeste s'il faut en croire les métiers exercés par les parents de son père : mineur et cuisinière. Et les vignerons qui se trouvent du côté maternel étaient plus probablement paysans que gros propriétaires terriens, puisqu'au mariage de Louise et Jean Baptiste, on n'a pas jugé utile de se rendre chez le notaire pour lui faire dresser contrat.

Les actes d'état civil ne se résument pas à des dates, on apprend beaucoup en les lisant un peu attentivement. Cependant, après cette première récolte, nous ne connaissons de la vie d'Ernestine que les deux bornes de sa naissance et de sa mort. Quant à savoir comment a surgi cette bourse perlée, très chichi pompon, dans un environnement où on s'attendrait davantage à trouver un cahier de couture dans le genre de celui de Marie ... mystère encore ! Nous allons donc passer à un autre fonds d'archives pour tenter d'en savoir un peu plus.

Les recensements de population

Il s'agit d'une ressource capitale dans nos recherches généalogiques. Ce sont des listes nominatives de tous les habitants dressées dans chaque commune de France, tous les cinq ans à deux exceptions près liées à des périodes de guerre. On les trouve assez généralement en ligne de 1836 à la première guerre mondiale, avec à nouveau des disparités d'un département à l'autre.

Recensement 1872 1

Si vous voulez en savoir davantage sur l'histoire du recensement en France, je vous conseille cette page Wikipedia très bien faite. Vous y trouverez notamment les années qui ont donné lieu aux dénombrements de la population et également un récapitulatif des renseignements qu'on peut s'attendre à y trouver, selon les millésimes, pour chaque personne.

Ils sont passionnants car ils donnent à voir la composition des familles et souvent, on peut y déceler les relations entre foyers alliés. Dans les villes, on a une idée de l'importance d'un immeuble avec le nombre de ménages qui l'occupent. A la campagne, on détecte l'entraide familiale avec l'habitat partagé. Dans tous les cas, en suivant les recensements dans le temps, on voit les enfants partir de la maison, les grands-parents y revenir, les gens changer de métier ; bref, on voit les familles évoluer.

Il y a encore un détail que j'aime particulièrement y observer. Comme il s'agit d'un système déclaratif, c'est par eux qu'on peut connaître le prénom usuel des personnes lorsqu'on leur en a donné plusieurs à la naissance, ce qui était très courant. Par exemple, les recensements de Bouix nous apprennent que le père d'Ernestine se faisait appeler Jean Baptiste et non pas Rémy.

Les recensements à Bouix

Je ne m'attarderai pas sur la démarche pour les atteindre car elle est strictement similaire à celle de l'état civil : sur la page d'accueil des archives départementales de la Côte-d'Or, il faut cliquer sur le deuxième bloc ; puis on choisit Bouix dans la colonne de gauche pour afficher les recensements disponibles dans la partie droite de l'écran. Il suffit ensuite de sélectionner dans la liste le millésime qui nous intéresse pour voir la liasse s'ouvrir dans une nouvelle fenêtre.

Les habitants de la commune sont relevés en fonction du déplacement physique de l'agent recenseur dans les rues. Oublié donc, l'ordre alphabétique des noms ! Les familles apparaissent dans l'ordre des maisons, telles qu'elles se présentent dans chaque rue. C'est un méchant inconvénient de cette source dès que la commune est un peu importante : on passe parfois beaucoup de temps à la dépouiller dans les grandes villes, si on ne connaît pas au moins la rue où habitaient nos ouistitis.

Mais dans un petit village comme Bouix, c'est du gâteau :-)

Recensement 1872 Bouix 4Recensement 1872, vue 4

En 1872, Louise et Jean Baptiste sont mariés depuis peu. Le petit Charles vient de naître, le couple habite avec son bébé rue de Courban, sous le toit des parents de Louise. On le constate en observant les troisième et quatrième colonnes de la liste : les deux ménages sont bien individualisés sous les numéros 48 et 49 mais ils sont localisés dans une maison unique, numérotée 41. Dans le recensement précédent, j'ai vérifié que les parents DÉON habitaient effectivement rue de Courban avec Louise, encore jeune fille ; et dans le recensement suivant qu'ils y sont toujours, mais cette fois tous les deux seuls. Ils ont donc bien hébergé le nouveau couple de leur fille à ses débuts, ce qui n'a rien d'étonnant : j'ai constaté fréquemment ce type de cohabitation en milieu rural, et parfois pour de longues années.

Recensement 1876 Bouix 6Recensement 1876, vue 6

Quatre ans plus tard, après la naissance d'Ernestine, Louise et Jean Baptiste ont pris leur indépendance. Avec leurs deux enfants, ils se sont installés dans une maison située rue de la Fontaine. Puis en 1881, la famille a de nouveau déménagé pour une maison qui se trouve rue de la Poterne. Charles a dix ans, il est toujours recensé avec ses parents... mais nous avons perdu Ernestine ! Où peut donc se trouver cette petite fille d'à peine huit ans, si elle n'est plus chez ses parents ?

Recensement 1881 Bouix 7Recensement 1881, vue 7

Ici commence un de ces jeux de piste dans lesquels nous entraîne souvent la quête de nos petites brodeuses. J'ai cherché  Ernestine chez ses grands-parents maternels à Bouix, en vain. Je l'ai d'ailleurs cherchée dans tout le village, avec aussi peu de succès. J'ai fait chou blanc également chez ses grands-parents paternels à Pothières.

Évidemment, j'ai poursuivi sans désarmer dans les recensements suivants, en posant l'hypothèse que des circonstances particulières auraient pu justifier l'absence de la petite en 1881, mais qu'elle serait revenue au bercail un peu plus tard. Toujours rien... toujours rien... jusqu'en 1931 ! Ernestine a cinquante-huit ans et je la retrouve vivant avec sa mère, entre temps devenue veuve.

Recensement 1931 Bouix 4Recensement 1931, vue 4

Puis en 1936, alors que Louise a quitté ce monde, Ernestine cohabite désormais avec "Mademoiselle Joséphine DÉON", née à Bouix en 1851, sa tante. Un rapide retour à l'état civil me permet de confirmer que Joséphine Augustine est la grande soeur de Louise, née deux ans avant elle.

Cinquante ans après son évaporation, la présence d'Ernestine dans son village natal, aux côtés de sa maman puis de sa tante, indique bien qu'il n'y a pas eu de rupture irrémédiable avec sa famille. Mais où a-t-elle vécu, comment a-t-elle vécu tout ce temps ?

Les difficultés que vous rencontrerez peut-être avec vos brodeuses

  • vous devez dépouiller les recensements d'une commune de taille conséquente. Dans ce cas, avant de vous lancer tête baissée à tourner des pages et des pages, cherchez bien sur le site des archives départementales s'il n'y a pas une fiche d'aide sur le sujet. J'ai déjà vu des services fournir jusqu'à la liste des rues avec le numéro de vue correspondant dans chaque recensement, comme l'Isère avec Grenoble ou Vienne ; ce serait bien dommage de passer à côté.
    A défaut, si vous disposez d'un acte d'état civil proche de la date du recensement, vérifiez s'il ne mentionne pas une adresse précise, ce qui était souvent le cas dans les grandes villes : il est plus rapide de parcourir les pages à la recherche d'une rue que d'une personne ;
     
  • les recensements du XIXe siècle ont été détruits par la Préfecture dans le département qui vous intéresse, en vertu d'une circulaire du 12 août 1887 qui les considérait comme des "papiers inutiles" (sic). Fort heureusement, cette instruction n'a pas toujours été appliquée mais parfois vous ne trouverez les recensements qu'à partir de 1901, pour tout le département ou pour certains de ses cantons. Dans ce cas, il reste à espérer que l'exemplaire communal a été conservé, je vous en reparlerai lorsque j'aborderai les recherches en salle de lecture.

Et maintenant ?

Bien sûr, j'ai retrouvé mon enfant baladeuse pendant ce trou noir de cinquante ans, sinon je ne serais pas là à faire mon intéressante. Mais je dois dire que j'ai laissé reposer l'affaire plusieurs mois et que je l'ai finalement débusquée d'une manière un peu inattendue... dont je vous parlerai dimanche prochain, évidemment :-)

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Commentaires
M
C'est drôle car mes grands-parents et mon papa sont nés à quelques kms de Bouix que je connais bien, vu que je passais toutes mes vacances d'été là-bas.<br /> <br /> Merci pour ce beau voyage dans le temps :-)
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I
Bravo pour ces recherches, grâce à ton écriture c’est un réel plaisir de suivre ce récit. Pour ma part, je pense qu’Ernestine a dû être placée comme bonne dans une famille aisée. J’ai hâte de découvrir la suite.<br /> <br /> À dimanche
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V
Quel suspense ... mais où était-elle passée ton Ernestine ??? <br /> <br /> Je me sers pas mal aussi des tables décennales, une "petite" lecture qui fait souvent gagner du temps mais dont il faut se méfier des oublis ou erreurs du recenseur !!<br /> <br /> bises
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I
Quel bonheur vos posts :)
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M
très intéressant on va attendre dimanche prochain pour en savoir un peu plus !!
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D
passionnant ! et vivement dimanche prochain !<br /> <br /> cordialement<br /> <br /> danielle c
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V
You certainly are a fabulous researcher. Congratulations on such magnificent efforts.<br /> <br /> I so admire the dedication and desire to get to the end of those stories, regardles of the subject. No wonder we have such fabulous minds today! We could not do without them.
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N
Absolument passionnant !! je suis ta progression avec bonheur et je garde précieusement tes indications pour m'y plonger à tête reposée après les fêtes...<br /> <br /> Un grand merci pour ce que tu partages avec nous, et que tu sais rendre passionnant...<br /> <br /> Bises, belle soirée.
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M
Merci pour tous ces renseignements . C'est amusant car hier je recherchais désespérément un frère du père de mon mari qui âgé de 11 ans aurait du figurer chez ses parents dans le recensement de 1906 que je consultais. Où était il à cet âge? Vous m'avez guidé avec la famille ( tante ou frère aîné ).
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M
vivement dimanche prochain...
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J
merci Sylvaine ,quelle passionnante histoire!peut-être,a-t-elle été placé chez les soeurs(les religieuses)...ça arrivait souvent dans les familles qui n'arrivaient pas à joindre les deux bouts...d'ou l'apprentissage de la broderie!j'attends avec impatience tes écrits!bon dimanche!bisous josie
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M
CC... Hâte de lire la suite ;)<br /> <br /> Bon dimanche, bisous
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G
Bonjour Sylvaine<br /> <br /> Les recherches généalogiques sont dignes de romans policiers. Merci pour tous ces renseignements précieux pour étoffer nos recherches personnelles. La perte de la trace d'Ernestine pendant 50 ans, nous donne du fil à retordre. Peut-être avait -elle était placée dans une famille !!!!! Bon Dimanche glacial. Bisous et à Dimanche prochain pour la suite. Merci.
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D
Un vrai roman tes recherches. C'est passionnant.<br /> <br /> Bonne journée et à bientôt pour la suite :-)
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L
Vivement dimanche prochain. merci pour tous ces détails, quel travail ! Vous êtes passionnante. Je ne pensais vraiment pas qu'on pouvait aller aussi loin. Mon nom de jeune fille est Durand et avec un nom aussi courant je n'ai jamais osé explorer ma généalogie.
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É
Une enquête menée avec de nombreuses pistes à explorer. Merci pour tous ces conseils et à dimanche prochain. Je suis impatiente.
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B
C'est passionnant ! Un vrai feuilleton. Merci de nous tenir en haleine pour l'histoire d'Ernestine. Comme quoi une simple bourse perlée peut nous mener bien loin en histoire de France.
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G
Un vrai roman policier que cette recherche ! J'adore et j'attends la suite de vos trouvailles avec bonheur.
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M
passionnant... merci. à dimanche
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P
N’était -elle pas déjà en service? Ce récit nous tient en haleine....
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F
Oh grand merci pour cette lecture à suspens ,...
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M
Quel travail de recherche pour notre plus grand plaisir et admiration ! Merci mille fois merci
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C
Un vrai jeu de piste !! RDV dimanche prochain pour la suite. Bon dimanche
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M
Insoutenable attente ! Merci Sylvaine, quelle belle façon de nous initier aux recherches en archives !
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M
Vivement dimanche prochain, j'ai hâte d'en savoir plus sur la vie d'Ernestine !<br /> <br /> Quel suspens !!!! <br /> <br /> Bon dimanche.
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R
Quel délice de lire ce feuilleton en prenant mon petit déjeuner ! Vivement l'épisode 4 :-)<br /> <br /> Merci et bon dimanche .
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F
Vous nous tenez en haleine....<br /> <br /> Bon dimanche.
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R
J'apprends avec plaisir que l'on peut regarder les fiches de recensement ce que j'essaierai de faire pour mes aïeuls...merci beaucoup pour votre entêtement c'est passionnant !
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O
Quel suspense! Merci
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M
quel suspense !bravo pour ces recherches passionnantes
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C
quel suspense !!! il n'y a plus qu'à attendre dimanche prochain.<br /> <br /> <br /> <br /> en cliquant sur tes liens de je viens de découvrir que Guillaume Apollinaire a vécu à Beausoleil au quartier du Carnier<br /> <br /> "Sa mère est fichée par la police comme femme galante sous le nom d’Olga de Kostrowitzky. Il est probable qu’elle gagne sa vie comme entraîneuse dans le nouveau casino.<br /> <br /> 1887 – 1895. Guillaume est placé en pension et effectue ses études chez les Maristes au collège Saint-Charles de Monaco.<br /> <br /> Guillaume est ensuite inscrit dans des lycées de Cannes et de Nice . Il est réputé « bon élève, pieux et docile » mais il échoue au baccalauréat....."
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J
Passionnant, la généalogie nous tient en haleine, merci Sylvaine.
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F
Vite !! Vite !!!! je veux connaître la suite !!!! ... alors, elle était où Ernestine?!!!
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P
Tu réussis à nous tenir en haleine avec la vie d'Ernestine ! Mais qu'a t'elle donc fait durant 50 ans, où a t'elle vécu, quel métier a t'elle exercé, on a hâte de le savoir. Bravo pour ce post extrêmement détaillé. Bisous
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