Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Ouvrages de Dames
31 mai 2020

Le Brillanté d'Alger

Parce qu'il a le même aspect, parce qu'il est aujourd'hui disparu, on a tendance à considérer le Brillanté d'Alger À La Croix  comme l'ancêtre du Mouliné DMC ; malgré un lien certain entre les deux fils à broder, ce n'est pas tout à fait conforme à la réalité puisqu'ils ont longtemps coexisté. Après que le sujet a été évoqué sur Facebook cette semaine, j'ai eu envie de me plonger dans ma documentation ancienne et bien m'en a pris : je me suis rendu compte que j'avais beaucoup de matériel à exploiter dans la galaxie Cartier-Bresson, à tel point que j'envisage d'en faire le thème de ma série d'été.

Echeveaux de Brillanté

Des entreprises et des marques

Pour bien démêler notre écheveau et savoir dans quel giron est né ce fameux Brillanté d'Alger, il faut remonter un peu dans l'histoire des producteurs. Car en 1961, au moment de s'unir avec DMC, la société J. Thiriez Père et Fils et Cartier-Bresson avait elle-même vu son identité forgée par un long passé d'alliances ; elle résultait en effet d'une fusion entre trois firmes fort anciennement implantées dans la filterie cotonnière.

En 1825, Claude Bresson fonde rue Saint-Denis, à Paris, un atelier qui préfigure les établissements Cartier-Bresson quand il l'aura laissé à son gendre, Claude Cartier. Cette branche-là, enrichie en 1897 par l'apport de la maison Pernolet-Suzor, est plutôt spécialisée dans le fil pour ouvrages de dames et principalement le coton à broder. J'ai déjà évoqué cette famille lors de l'enquête sur le fabricant de passementerie Burkard.

Claude Bresson

En 1833, Julien Romuald Thiriez crée à son tour la maison portant son nom et qui est, dans ses premières années, une petite filature à la main située à Lille. Elle sera rapidement modernisée grâce à la force motrice d'un manège à six chevaux puis par celle de la vapeur. Les quatre fils Thiriez prennent la succession du père et se targuent d'être les premiers, en France, à avoir fabriqué des fils pour machines à coudre. Thiriez aussi a déjà pointé le bout de son nez sur le blog ;-)

Thiriez

En 1841 enfin, c'est Louis Viarmé qui établit à à Paris, rue de Montmorency, un atelier qui exploitera la marque à ses initiales, LV. Au fur et à mesure de son extension sur la capitale puis dans les faubourgs de Lille, la raison sociale de l'entreprise devient finalement Maurice Frings & Cie, du nom de son gendre avec lequel Viarmé s'associe en 1877. Et décidément, Viarmé n'est pas non plus tout à fait un inconnu ici, je redécouvre moi-même des billets oubliés : j'en ai parlé ici avec une publicité murale et là avec un fil bien parisien.

Viarmé Frings

Voici donc les trois branches qui, après des fusions successives en 1919 puis en 1931, constituent finalement la société J. Thiriez Père & Fils & Cartier-Bresson, fort pratiquement raccourcie en TCB. Chacune apporte au pot commun sa marque la plus emblématique : La Croix pour Cartier-Bresson, La Tête de Cheval pour Thiriez, LV/La Clé pour Frings.

Brochure 1951Brochure de 1951 à la gloire de la maison

Ces trois marques principales, ainsi que quelques autres, furent conservées sous leur appellation d'origine par la nouvelle entreprise qui avait bien évidemment intérêt à capitaliser sur leur renommée auprès des couturières et des brodeuses.

Lettre commerce 09-11-1938Lettre de commerce du 9 novembre 1938

Et le Brillanté d'Alger, dans tout ça ?

Oui, il faudrait voir à ne pas oublier le sujet de départ ;-) Le Brillanté d'Alger À La Croix était une production traditionnelle de la branche Cartier-Bresson, comme en témoignent déjà ces catalogues de la maison en 1908 et en 1926.

Catalogues 1908-1926

Brillanté d'Alger 1905Le Brillanté d'Alger au catalogue de 1905

Brillanté d'Alger 1926Le Brillanté d'Alger au catalogue de 1926

Vous remarquez peut-être que le Brillanté d'Alger À La Croix est décrit comme composé de 12 fils ? En réalité il est bien présenté en écheveaux de 6 brins séparables -de manière tout à fait similaire au Mouliné DMC- et chaque brin est lui-même composé de 2 fils comme l'explique avec davantage de précisions ce catalogue de 1952.

Brillanté d'Alger 1952Le Brillanté d'Alger au catalogue de 1952 - Source : le Musée virtuel TCB

Le détail qui tue : sans doute pour éviter que l'écheveau ne se défasse intempestivement avant usage, les deux extrémités du faisceau de fils sont nouées et maintenues ensemble par une minuscule bague métallique. N'est-ce pas une finition raffinée pour un produit industriel ?

Echeveau bagué

Brillanté d'Alger vs Mouliné

Nous arrivons à la fin des années cinquante, dans le paysage d'une industrie textile confrontée à une conjoncture moins favorable et avec deux poids lourds de la filterie française se faisant face. DMC et TCB entreprennent donc de se rapprocher et après trois ans de négociations, l'union devient effective en mai 1961.

Thiriez Cartier-Bresson accepte de renoncer à son nom dans l'opération au profit de DMC, cotée en bourse depuis quatre décennies. En revanche elle apporte son emblématique tête de cheval au logo du nouveau groupe et surtout, plus stratégique, des dirigeants issus de ses dynasties familiales qui prendront une part active au redéploiement des activités.

La restructuration s'accompagne sans surprise d'une rationalisation de la production : deux produits similaires pouvaient difficilement coexister au sein de la nouvelle entreprise.

Nuanciers DMC-CBCartes des couleurs des cotons brillants Cartier-Bresson et DMC

TCB était leader sur le fil à coudre, DMC sur les ouvrages de dames et le fil à broder, l'activité fut donc réorganisée autour des compétences phares de chaque partenaire. Il fallut des années encore, jusqu'à la création de nouvelles gammes, pour que les noms de Cartier-Bresson et de Thiriez soient définitivement fondus dans l'alliance mais le mouvement était amorcé dès 1963 avec cette publicité qui annonçait la couleur.

Pub 1963

Voilà comment le Brillanté d'Alger À La Croix s'est effacé, voilà pourquoi nous brodons aujourd'hui avec du Mouliné DMC. Et voilà l'explication de la tête de cheval sur le logo du groupe DMC  ;-)

Publicité
Publicité
Commentaires
M
Bonjour, avez-vous un tableau de correspondance entre les fils Le brillantés,Alger et DMC? Merci
Répondre
M
Merci, Sylvaine, de nous instruire de façon aussi vivante !
Répondre
C
Merci pour cette page d'histoire de nos fils.<br /> <br /> C'est toujours intéressant de connaitre les origines.
Répondre
J
Merci Sylvaine,c'est toujours un plaisir de te suivre dans tes recherches!tel un détective,tu cherches le moindre indice pour nous conduire à l'origine d'un ouvrage,de la naissance d'un fil ou d'une technique!j'adore relire tes articles quand tu nous renvoies dans ceux-ci!bisous josie
Répondre
E
Enfin je me prends le temps de lire cet article..le survoler serait vraiment dommage tant il est riche et instructif fort bien expliqué et documenté.. <br /> <br /> le fait de venir tardivement me permet aussi de lire les commentaires et les réponses<br /> <br /> Je n’ai aucun de ces fils ( à part le DMC) peut-être est-ce parce que je suis alsacienne et qu'on ne parle que de DMC par ici.. je comprends à présent la présence de cette tête de cheval..la bague serait des fois bien pratique sur les échevettes..<br /> <br /> Je suis admirative devant tout ce savoir et cette histoire de "mariage" entre des familles..<br /> <br /> merci infiniment<br /> <br /> très bon weekend
Répondre
C
Comme d’habitude, article passionnant<br /> <br /> Merci 😍
Répondre
H
merci pour toutes ces infos partagées. C'est toujours très intéressant <br /> <br /> bonne journée<br /> <br /> amitiés<br /> <br /> Hélène
Répondre
F
Merci à vous pour ce nouveau document très instructif et passionnant.
Répondre
S
Magnifique reportage !<br /> <br /> Merci !
Répondre
J
Merci Sylvaine ! j'ai adoré lire ces informations sur des fils et échevettes dont j'ai quelques exemplaires offerts par une de mes tantes qui les avait dans sa boite à couture et qui dataient des années 30/40 et un peu après ! je vais également les regarder d'un autre oeil et continuer les recherches pour trouver "peut-être" des information sur la soie d'Alger ! encore merci pour tous ces sujets si passionnants !
Répondre
A
Un grand merci pour cet éclaircissement bien utile.<br /> <br /> Bonne journée<br /> <br /> AA
Répondre
C
bonjour<br /> <br /> merci pour cet article, très pâssionnant. je vais pouvoir compléter mes recherches faites récemment sur Dmc et T CB<br /> <br /> toujours un plaisir de vous lire
Répondre
4
Merci pour ce très intéressant article. J'ai encore des fils Cartier Bresson qui viennent de ma Grand Mère.<br /> <br /> Bonne journée
Répondre
T
Quelle détective passionnée vous êtes ! Merci infiniment de partager avec nous votre passion.
Répondre
N
Bonjour, A chaque fois nous sommes embarquées subjuguées par tant d'intérêts et surtout par tant de précisions!! C'est vrai qu'a vos talents de brodeuse, s'ajoute le talent de chercheuse, de narratrice etc....! J'envie beaucoup vos connaissances. Encore merci. Nursy
Répondre
M
Lu avec attention, c'est très instructif pour nous autres brodeuses. Merci pour vos recherches et découvertes pour nous.
Répondre
M
Merci Sylvaine de nous instruire de façon aussi passionnante de l'histoire de nos fils à broder !
Répondre
C
Passionnant !! Merci pour tes recherches. Je regarderai d’un autre œil mes fils chinés. Belle semaine à venir
Répondre
C
Merci pour toutes ces recherches, les explications sont claires et très bien illustrées. C'est un vrai plaisir de vous suivre. Bonne journée
Répondre
V
Another briliant story to read and pass on to friends who do not have access to your fabulous and so well wtritten stories on the art of the needle. Thank you again, a pleasure to discover secrets of our favorite embroidery threads.
Répondre
A
Tu devrais présenter un doctorat sérieusement
Répondre
D
J'adore tes billets très instructifs sur nos jolis fils.<br /> <br /> Belle fin de journée.
Répondre
M
merci pour cet excellente présentation, bien documentée, et joliment illustrée.
Répondre
D
bonjour, et toujours aussi passionnant-pour une fois je connaissais un peu de cette histoire de fusion car je possède des fils cartier bresson et aussi quelques boites !<br /> <br /> et j'avais cherché des info sur cette marque que je ne connaissais quand je me suis mis au point compté-<br /> <br /> bon dimanche<br /> <br /> danielle c
Répondre
L
Bonjour chère Sylvaine,<br /> <br /> Bonjour à toutes,<br /> <br /> Des explications sont données au chapitre 2-1 SOIE D'ALGER<br /> <br /> http://www.auverasoie.com/nos-fils-de-soie#contenu<br /> <br /> Je vous souhaite une belle semaine<br /> <br /> ce 31-05-2020<br /> <br /> Lysiane
Répondre
M
Passionnant !!!!!! Merci !
Répondre
S
J'ai beaucoup appris. Merci aussi pour ces images d'archives.<br /> <br /> Sabine des Hautes-Alpes
Répondre
D
Merci Sylvaine pour ce passionnant exposé.
Répondre
I
Merci de nous faire découvrir ces moments d'histoire...<br /> <br /> Belle journée<br /> <br /> Isa
Répondre
V
super résumé de l'origine et du devenir de ce fils et des marques. J'ai quelques échevettes de ces fils "brillanté d'Alger" mais les petites bagues y sont-elles ?? Je vais regarder tout cela de plus près. Pourquoi Alger ? tu as dû déjà nous en parler. Le coton venait de cette ville ?<br /> <br /> bon dimanche<br /> <br /> bises<br /> <br /> violine
Répondre
L
Merci pour cet article passionnant ... grâce à vous, j’en connais plus sur ma petite échevette rose. Et je possède également des bobines de fil Thiriez ; mais c’est normal car je suis du Nord.<br /> <br /> Je vais m’abonner à votre blog, pour le plaisir de vous lire et pour m’instruire ... vous êtes une mine d’or.<br /> <br /> Bon dimanche,<br /> <br /> Pascale (La Chartreuse en parme)
Répondre
C
Merci pour cette page d'Histoire très intéressante repondant à beaucoup de mes questions au sujet de ces beaux cotons à broder que j'ai en reserve ! 👍😀👏
Répondre
T
J’ai encore de ces écheveaux avec la petite bague métallique.
Répondre
F
Merci pour cet article intéressant, à regarder nos fils d’un autre œil !<br /> <br /> Bon dimanche.
Répondre
M
Très intéressante documentation relative à nos centres d'intérêt, qui nous fait remonter à presque 200 ans. J'ai encore du mouliné"CB" et l'une ou l'autre bobine de fil Thiriez.
Répondre
O
Voilà qui est une discussion bien précise ce cette histoire.<br /> <br /> Mais peut-être as-tu déjà expliqué le terme d’Alger pour ce coton et qu’on retrouve pour les fils de soie « d’Alger » quî’ ce me semble’ ńont pas grand chose à voir avec l’Algérie.<br /> <br /> Comme je suis en train de broder en point Gobelins, je trouve sympa cette différence que l’on faisait à l´époque entre la broderie au point compte et la tapisserie qui ne devait pas relever de mêmes gammes. Les secondes plus’ «sourdes »?? Comme peut l’ être la laine?
Répondre
M
Merci pour ce très intéressant article !<br /> <br /> Beau dimanche, bizzz
Répondre
G
Bonjour Sylvaine<br /> <br /> Un brillant exposé, sur l'origine de brillanté d'Alger, jusqu'à sa disparition. Une histoire très intéressante, qui nous permet de comprendre bien des choses. Merci beaucoup, je vais regarder dans mes boites et documentations, si j'ai quelque chose. Bon Dimanche ensoleillé avec un peu de vent. Gros bisous.
Répondre
N
Passionnant, instructif, merci pour cet exposé historique de ces firmes... je regarderai mes écheveaux et mes fils d'un autre œil...<br /> <br /> Merci pour le partage, j'attends à chaque fois avec intérêt tes articles dominicaux...<br /> <br /> Bon dimanche, bises
Répondre
M
Très intéressant. Bon dimanche
Répondre
M
quelle aventure ! L'évolution des marques en bonne intelligence qui donnent chacune le meilleur .
Répondre
A
Très intéressant historique qui me fera regarder mes bobines et mes fils avec un regard plus perspicace. Belle journée et merci Sylvaine de nous ouvrir l'oeil et l'esprit chaque semaine.
Répondre
A
Merci de cet exposé si brillant ! je ne m' étais jamais posé toutes ces questions , admirant simplement ces logos à chaque petite chine .... Merci Sylvaine , bon dimanche
Répondre
Vous voulez lire Ouvrages de Dames sans pub ?
Ajoutez Ublock Origin
à votre nagigateur.
Publicité

qr-code-linktree 200

 

Newsletter
Publicité